Avis Billy

La fille de Carlo transforme les lieux et les atmosphères du cinéma napolitain à la sauce indé-andersonienne et porte à l’écran une histoire de passage à l’âge adulte insolite et déséquilibrée. La critique de Federico Gironi sur Billy.

Billy a 19 ans. C’est un ancien enfant prodige qui vit avec une mère que dire extravagante est un euphémisme et sans père : il a quitté la maison alors que Billy était encore un enfant, pas encore un prodige. Il vit avec sa mère, idiote, lunatique, fumeuse à la chaîne, dénuée de tout sens pratique et de tout scrupule économique dans une maison mitoyenne près d’une grande rivière. Il joue avec les gosses du quartier, il est amoureux d’une fille du même âge qui semble faire tourner tout le monde sauf lui, il se confie parfois à la fille qui tient un kiosque près de la voie ferrée. Et puis un jour dans sa vie arrive Zippo, une ancienne rock star qui semble passer sa vie à fuir on ne sait quoi.

Emilie Mazzacuratimême pas trentenaire, un court-métrage à succès derrière lui, fait ses débuts au cinéma avec un film insolite, bizarre, résolument courageux, dans lequel il mêle à sa manière, pas toujours de manière homogène, des influences très différentes.
D’une part il y a l’héritage non seulement générique et géographique du père Carlo: donc bien sûr, le fleuve, la plaine, la province, mais aussi une certaine manière d’aborder les angoisses et le non-conformisme, les sentiments et l’humour lunaire.
De l’autre il y a l’ombre portée de ce cinéma indépendant américain dont le champion était Wes Andersonmais qui, pour ne citer qu’un nom, a également produit le Jared Hess De Napoléon Dynamite. Cependant, il y a beaucoup d’Anderson ici. Beaucoup de dieux Tenenbaumdisons, de la dynamique entre l’enfant et le parent à travers certaines références plus ou moins explicites à Salingeret à Salinger des  » Neuf Contes  » en particulier.

Le plus curieux, dans ce monde hybride, et peut-être un peu trop dérivé, dans ces environnements qui semblent surgir de l’imbrication des esthétiques de Ghirri et de Trémiesest-ce Emilia Mazzacurati a répandu sur tout – images, personnages, situations et histoires – une patine d’amertume qui dépasse les frontières générationnelleset ne se relève jamais, pas même dans une fin qui semblait vaguement optimiste mais qui au final nous laisse suspendus, incertains, à côté d’une pompe à essence le long d’une route provinciale, alors que la nouvelle année se lève et l’avenir un inconnu.

Tout ne fonctionne pas pour Billy.
Il y a souvent un fil de manière de trop, des personnages comme ceux de Battiston et de Gassmann se caractérisent par une touche un peu trop marquée, et le flou existentiel évoqué et recherché peut se transformer en évanescence narrative.
ET cependant, Emilia Mazzacurati ne peut pas être reconnue pour certains succès qui sont tous des enfants du désir de prendre des risquesviser haut, faire des lieux et des personnages de Billy quelque chose de suspendu dans l’espace et le temps, une frontière presque occidentale qui ressemble à des limbes dans lesquelles flotter pour survivre ou dont s’échapper pour vivre.

Comme le personnage le plus marginal, mais central et centré du film, celui d’un Carlotta Gamba non seulement belle mais aussi bonne, la Pénélope qui gère le kiosque près de la voie ferrée, et qui mentionne le Des courses farfelues mais c’est loin d’être un dessin animé.