Bilan de mai décembre

À la fois mélodrame, thriller psychologique et feuilleton télévisé, le nouveau film de Haynes est un objet délibérément ambigu et insaisissable qui parle de vérité et de manipulation. Revue de Federico Gironi de mai décembre.

Il y a beaucoup de miroirs en mai décembre. Beaucoup de chiffres reflétés.
Souvent, devant ce miroir, il y a Merci Et Elisabethles personnages de Julianne Moore Et Natalie Portman. Qui, sans surprise, sont – ou finissent par être – en quelque sorte le reflet l’un de l’autre.
Gracie est une femme qui, près de vingt-cinq ans plus tôt, s’était retrouvée en prison et à la une des journaux parce qu’elle était enceinte d’un garçon de treize ans, Joe, qui devint plus tard et est toujours son mari. Elizabeth est la célèbre actrice qui est arrivée à Savannah, en Géorgie, où Marcie vit avec Joe et leurs enfants, pour être proche d’elle et apprendre à la connaître. La comprendre, peut-être, puisqu’il s’apprête à la jouer dans un film sur son histoire scandaleuse.

Parfois, il n’est pas immédiat de comprendre si ce que nous regardons est un reflet ou non. Et parfois, le fait que ces deux protagonistes soient devant un miroir nous donne l’impression (comme dans la réalité) qu’ils regardent la caméra. Qu’ils nous regardent dans les yeux.
Il me semble que tout cela peut être suffisamment illustratif pour que nous comprenions comment mai décembre est un film dans lequel Todd Haynes, partant du titre assez énigmatique, joue avec le spectateur, l’interrogeant sans cesse, l’incitant à se demander ce qu’il regarde exactement, quelle est réellement l’histoire qu’on lui raconte, qui sont les personnages qu’il met en scène et quels ils se sentent vraiment écran.

Ce n’est pas seulement une question de reflets et de regards dans la voiture.
Ni seulement de changements de ton continus et progressifs, et de renversements narratifs : du plus évident – l’histoire de ce qui apparaît comme un couple parfait à sa manière, et parfaitement intégré dans son contexte communautaire, qui montre lentement les fêlures, les mensonges , les côtés obscurs – aux plus surprenants, que nous n’allons pas raconter ici.
Même avec la forme, Haynes s’amuse à faire ce qu’il ne veut jamais dévoiler entièrement à quel jeu il joue : le point de départ semble être celui d’un mélodrame (peut-être pas sirkien, mais quand même…), mais dès les premières minutes, avec musique, et puis pas que, l’Américain semble vouloir faire de son film un mystère, un thriller psychologique, un feuilleton aux tonalités désespérément camp.
Peut-être avec l’aide de la musique, qui est (aussi !) à mi-chemin entre une orchestration classique et la bande originale d’un produit de la série B. Par exemple, en utilisant le thème de Messager d’amour composé de Michel Legrand de manière délibérément exagérée et kitsch.

Le truc, c’est que vous regardez May December et vous ne savez jamais exactement ce qui vous attend. Vous ne savez jamais vraiment quoi penser de ces personnages, à part ce que Haynes veut que vous pensiez.
L’actrice de Portman apparaît plutôt désagréable, et moralement plus qu’ambiguë, pourtant nous sommes en quelque sorte obligés d’être à ses côtés car c’est elle qui nous permet d’entrer dans la vie de Marcie et Joe, et de connaître leur histoire. Nous essayons avec elle de déchiffrer le mystère de ce couple.
Il devient peu à peu évident, car c’est Haynes qui le veut, que Marcie aussi – qui vient d’un point de départ compliqué – est une figure complexe du point de vue de la morale, voire de la psychologie. Et il est tout aussi évident que Joe, dans cette histoire d’amour (ou censée être telle) est une victime : agrémentée d’une métaphore de renaissance qui, cependant, reste ensuite ferme sur le plan symbolique et n’aboutit à aucun résultat concret.

Bref, en mai décembre Haynes semble vouloir dire quelque chose de très important dans le contexte dans lequel nous vivons. Elle semble vouloir saper la notion de vérité, d’objectivité, et exalter l’idée de manipulation. Une manipulation psychologique et cinématographique.
Sembra voler far esplodere il contrasto tra la nitidezza e la precisione di quello che mostra sullo schermo, delle sue inquadrature, delle sue scelte estetiche, con l’ambiguità di un mondo in cui ci è sempre più difficile capire chi stia mentendo, quando e soprattutto pouquoi.
Il nous confronte à quelque chose de difficile à comprendre (objectivement il est difficile de sympathiser avec une femme de 36 ans qui fait ce que Marcie fait avec un gamin de treize ans), et nous pousse à prendre parti. A propos de Marcie, qui nous apparaît avec quelques lignes bien placées, impitoyable avec ses filles; elle, qui n’a jamais de doute, un moment de réflexion ou de remaniement ; Marcie, qui a pris un garçon de 13 ans et lui a imposé une vie telle qu’à 36 ans, Joe est encore un adolescent qui a en Marcie une mère plus qu’une épouse, mais qui en même temps apparaît naïf et infantile .

Néanmoins.
Pourtant, il manque quelque chose. Pourtant, Elizabeth n’est peut-être pas meilleure qu’elle.
Et c’est alors dans la mise en miroir, dans la synthèse et dans l’imbrication actorielle entre deux femmes qui ne sont qu’en apparence des antipodes, que Mai Décembre trouve son accomplissement pervers. Qui trouve, peut-être, sa suggestion pour nous spectateurs qui sortons du film un peu étonnés mais surtout séduits et fascinés. Manipulé par Haynes, par ses tromperies, par ses réflexes.