Critique de Chiara

Fille provinciale de Santa Chiara au XIIIe siècle en Italie. Susanna Nicchiarelli conclut sa trilogie de portraits féminins de l’histoire avec Chiara, mettant en vedette Margherita Mazzucco. Notre critique du film en compétition à Venise.

Une jeune fille de 18 ans contre la famille qui veut réprimer la pleine réalisation de sa personnalité et de sa vocation. Toujours d’actualité, révolutionnaire si l’on parle d’une histoire qui se déroule en 1211, à Assise. Chiara est amoureuse de la mission paupériste de son ami Francesco et veut suivre ses traces, avec d’autres filles et femmes, poursuivant un rêve de liberté visant à aider les autres et à prier. Un saint deviendra plus tard alors que Susanna Nicchiarelli raconte la personne réelle, à certains égards commune, certainement simple. Mais à bien d’autres égards, elle est révolutionnaire, principalement en raison du charisme avec lequel elle rassemble tant d’autres femmes en mission autour d’elle.

Le réalisateur romain conclut une trilogie idéale sur les femmes écartées par l’histoire, après avoir été applaudie Nico Et Mlle Marx, avec une nouvelle mission de vie, après rock et engagement politique et social : celle, spirituelle, d’une femme qui a tenté, parallèlement à François, de dépouiller la religion des apparats de nettoyage en vue d’un nouvel élan de pauvreté et de dialogue. Le premier antagoniste à affronter est une famille violente qui tente de réprimer sa voie hétérodoxe, malgré le fait que de nombreuses réformes religieuses se réfèrent à la pureté des origines. Puis l’Église, la hiérarchie avec son monopole prétendant mettre en pratique la parole de Dieu, vorace en quête de satisfaction terrestre, comme le cardinal Ugolino, qui deviendra plus tard le pape Grégoire IX.

Avant d’écrire une règle spécifique aux femmes, Chiara a également marqué en cela une rupture avec le passé, ne se contentant pas d’appliquer des règles écrites pour et par les hommes. Nicchiarelli dépeint cependant son impossibilité d’obtenir une véritable équation avec les franciscains. Elle seule, possédée d’un enthousiasme sincère pour le partage, elle a été forcée d’accepter des règles d’isolement, le seul domaine dans lequel une organisation religieuse à empreinte féminine pouvait être acceptée. Dégager met au centre un portrait linéaire de la simplicité et de la douceur du message de la future sainte, avec la claire intention d’éviter l’hagiographie et les pièges d’une vision au fil des siècles stratifiée et de plus en plus éloignée, ainsi que de son message originel aussi de sa personnalité réelle.

Un retour aux sources de la pensée et de sa figure humaine autant que spirituelle, avec un travail de recherche très précis et le choix de s’appuyer sur la langue vulgaire du XIIIe siècle. Un dépouillement de ce monde qui passe aussi par une re-présentation bidimensionnelle des personnages, rappelant la vision directe et frontale d’avant la révolution picturale de la perspective apportée par Giotto. Une attention obsessionnelle qui n’apporte cependant pas avec elle un processus tout aussi fertile d’approche du spectateur, d’attention à la réalisation narrative, au-delà d’une tendance fragmentaire, dans laquelle la dépossession de la portée iconique de Chiara la prive également de charme et de charisme. Un portrait attentif mais sans vie, trop traditionnel dans son scan, suspendu dans les limbes entre pop et solennité.