Critique de Marcel le coquillage

Nominé à l’Oscar 2023 du meilleur film d’animation, le mélange de prises de vues réelles et de stop-motion Marcel the Shell est une expérience curieuse et insolite. Notre avis.

Marcel c’est un escargot qui parle (« avec des chaussures« ) qui vit et se cache dans une maison avec jardin, en sa compagnie Grand-mère Connie. Lorsque la maison est louée à Dean vidéasteles deux se lient d’amitié et l’homme décide de faire un documentaire sur le petit grand monde de Marcel. La popularité de ces vidéos permettra-t-elle à Marcel de retrouver sa famille perdue ?

Marcel la coquille c’est plus qu’il n’y paraît, et ce n’est qu’en s’ouvrant à cette prise de conscience qu’il sera possible « d’entrer » dans son force narrative précieuse mais aussi métaphoriquefermant les yeux sur un conception qui peut repousser. Car, écrit-on en toute honnêteté, le petit protagoniste du film de Dean Fleischer Campanimé en stop-motion dans un monde vivant, ne nous a pas captivés tout de suite, en raison d’un aspect qui n’était pas tout de suite tendre, au contraire. Dans le passage de trois shorts semi-amateurs écrit et réalisé entre 2010 et 2014 par Dean avec Jenny Ardoise (qui le double dans l’original), Marcel a conservé une certaine approximation dans son regard, et il faut accepter l’œil unique dérangeant de ces escargots pour atteindre l’empathie nécessaire. Mais il en faut très peu.

Les des dizaines de millions de vues sur YouTube des trois courts métrages, également appréciés au Sundance Film Festival, ils ne contiennent qu’une part du mystère du succès de cette réincarnation en long métrage, Marcel the Shell, qui a ouvert Alice nella Città ici en Italie à l’automne dernier. Simple et ironique mais pas trop naïf, très humain dans ses contradictions mais aussi dans ses propres poursuite du bonheursuspendu entre sauts et hésitations compréhensibles, Marcel est d’emblée irrésistible dans son dialogue incessant avec Dean hors champ (bien qu’on ne veuille pas mettre la main sur le feu sur le rendu du ton curieux des versions étrangères). Lors de la transition vers le long métrage, Fleischer-Camp et Slate ont fait appel au nominé aux Emmy Nick Paleypour construire une histoire un peu plus complexe, où le étrangeté de conte de fées de Marcel s’accompagne de thèmes transmis avec une délicatesse de détail : la solitudeles vieillesseL’traitement du deuilL’Amitié. Aucun agrandissement ne pèse sur l’ingéniosité programmatique de Marcel, car la forme du faux documentaire alimente un détachement humoristique même dans les moments les plus émouvants, et les rend en effet moins rhétoriques et donc plus touchants.

Le vrai don de Marcel le coquillage réside cependant dans ce représente et incarne qu’en existant, plus que dans ce qu’il raconte. Une maison ordinaire explose de sens, elle ne devient un royaume de l’imaginaire que parce qu’elle est relue à travers les yeux et les gestes de Marcel. L’étonnement du personnage Dean en le filmant semble être l’émerveillement du réalisateur Dean, qui confie au pouvoir de l’audiovisuel la capacité de donner du sens au banal, à l’évident, à ce qui ne serait jamais beau ou évocateur en soi. Et découvrant tout cela, il partage avec nous: Dean fasciné par Marcel, c’est le réalisateur Dean qui nous explique les téléspectateurs quelle force il y a dans le cinéma et en animation. Un éloge va à la production du film, car l’équipe technique et Chiodo Bros. Productions ont élargi l’expressivité et l’articulation des personnages, tout en conservant la perception de artisanattrès important pour l’effet que nous décrivons.

Et c’est justement la barrière entre les deux « Doyens » qui semble disparaître, car lorsqu’on touche au thème de séparationpensez-vous que Dean Fleischer-Camp et Jenny Slate se sont séparés entre les courts métrages originaux et cette nouvelle aventure, mais ont fini par travailler ensemble sur le film : lel’éternité des sentiments de Marcel envers ses affections est unutopie en quoi celui qui a créé le film a encore du mal à croire. Est-il difficile que le conte de fées existe dans la vraie vie ? À tout le moins, Fleischer-Camp garde espoir, car Marcel the Shell apparaît essentiellement comme un documentaire qui prétend filmer la réalité, seulement pour la réécrire de la meilleure façon. La forme est le meilleur contenu de ce précieux travail. Les meilleures lignes ne sont pas plus importantes que de nombreuses petites touches dans des plans ou des décors minimalistes, ou des pauses dans un montage qui écarte les angoisses contemporaines. Marcel le coquillage part de mondes d’origine que l’on a appris à bien connaître, bon gré mal gré, grâce au confinement, et qui nous rappelle à quel point l’imagination et la créativité peuvent les élargir. Il nous le rappelle dans l’émouvante histoire, mais surtout il nous le rappelle en raisonnant sur le le pouvoir qu’a un tir de transfigurer la réalité.