Critique des tueurs de la lune fleurie

Un film épique, détendu et varié dans lequel Scorsese retrace la naissance d’une nation maculée de sang et contaminée par l’argent. Le réalisateur américain s’adonne au plaisir de raconter comme jamais peut-être, usant de tous les registres du cinéma. La critique de Killers of the Flower Moon par Federico Gironi.

Martin Scorsese a 80 ans. Il y a quelques jours, interviewé par le site américain Délaisil a dit n’avoir compris que récemment le sens de la peine prononcée par l’homme alors âgé de 83 ans Akira Kurosawa recevant l’Oscar pour l’ensemble de sa carrière. « Je commence seulement à voir tout ce que le cinéma peut être, et c’est trop tard », a déclaré le Japonais. « Je veux raconter des histoires, et le temps est révolu », ajoute désormais l’Américain.
Ce n’était pas seulement la confession franche d’un homme à la perspective de sa propre mortalité, et en même temps : c’était en quelque sorte une déclaration d’intention. Intentions portées, sûrement, avec celle-ci Les tueurs de la fleur de lune.

Ce n’est pas seulement à cause des 206 minutes de temps d’exécution, mais peut-être que peu d’autres films de l’extraordinaire carrière de Scorsese avaient révélé un désir aussi intense de narration et de relaxation du même. Et il faut dire, à cet égard, que les 206 minutes de Les tueurs de la fleur de luneterrifiant sur le papier, s’enfuit beaucoup plus facilement que la plupart des autres films que l’on voit aujourd’hui, et qui tiennent peut-être même moins de deux heures.
Il ne s’agit pas non plus seulement d’enjeux, eux aussi importants, et dans l’air du temps sans jamais être victime de la frénésie un peu agressive de l’idéologie actuelle aux États-Unis et au-delà. C’est vraiment une question de cinéma. De ce cinéma dont Scorsese sent le potentiel, comme Kurosawa, ne commencer à percevoir dans sa plénitude qu’aujourd’hui.

Un paradoxe, assurément. S’il y a quelqu’un qui a bien compris le cinéma, parmi ses contemporains, ce quelqu’un, avec quelques autres, c’est bien Scorsese.
Néanmoins, on en vient presque à penser que jamais Scorsese n’a explicitement voulu jouer avec toutes les cartes que le cinéma met à sa disposition: peaufiner le scénario et les dialogues au maximum, étudier et filmer des plans très puissants, alterner dynamisme et frénésie avec intimité et calme. Surtout, mélanger un très grand nombre de genres au sein de ce film.
Dans Killers of the Flowers Moon, il y a le western et le film de gangsters ; romans policiers et mélodrame; cinéma historique et cinéma civil. Il y a aussi, fort, bienvenu, la comédiequi s’exprime dans quelques duos entre les personnages de Di Caprio Et De Niroempreint d’ironie évidente : à tel point que vous pouvez l’entendre, Scorsese, rire sur le plateau, avec son rire inimitable et passionnant.

L’intrigue, somme toute, compte peu ici dans ces lignes, même si elle compte beaucoup dans le film et dans ce qu’il veut transmettre.
Une intrigue qui parle d’un jeune homme pas particulièrement intelligent (c’est le moins qu’on puisse dire) qui, après la Première Guerre mondiale, arrive sur les terres de la nation Osage, béni par la découverte du pétrole qui a fait la richesse des Amérindiens, et maudit avec l’envie et par le racisme des Blancs qui, dans les années 1920, pouvaient de toute façon imposer leur pouvoir et leur domination par la violence et la sournoiserie. En fait, le jeune homme finit par devenir un pion entre les mains d’un oncle diabolique, qui, en feignant l’amour et l’amitié, et en administrant la mort, prend peu à peu possession de l’argent et des terres de l’Osage.

Peu importe comment ils agissent Di Caprio Et De Niro (enfin quand même DiCaprio semble parfois jouer Jack Nicholson, puis Nicholson jouant Marlon Brando); peu importe quoi Lily Gladstone est très très bienet des acteurs de soutien tous à la hauteur.
Peu importe que ce film soit ici ou non parmi les grands chefs-d’œuvre de Scorsese ; il a certes le viscéral, la rage, l’énergie, peut-être la puissance de certains films du passé : mais il y a ici un sang-froid et une clarté d’exposition terrifiants. Comme il n’a pas la radicalité de Le pétrolier De PT Andersonqui pourtant lui ressemble à bien des égards (en racontant l’histoire de la naissance d’une nation imbibée de sang et d’argent).
Il importe que Killers of the Flower Moon soit le film dans lequel ce grand réalisateur démontre (pour la énième fois, mais avec un dévouement presque total à cet aspect) à quel point il est important, fondamental de donner au spectateur une grande histoire épique et pure . Savoir et apprécier et ne pas nier comment le cinéma peut et doit être un narrateur, et le réalisateur un conteur astucieux et astucieux.
La manière – que je ne détaillerai pas – dont il choisit de raconter les toutes dernières lignes de l’histoire de ses personnages, se mettant lui aussi en scène à la première personne, le prouve.
Avec toute sa légèreté, son ironie et son sérieux.