Critique des yeux du diable

Le monde contemporain tente de jeter un coup d’œil dans la veine exorciste, l’une des plus florissantes du cinéma d’horreur, du chef-d’œuvre de William Friedkin à nos jours. Mais le féminisme, le matriarcat et la psychiatrie ne s’intègrent pas très bien dans le genre. Revue par Federico Gironi.

La première scène de Les yeux du diable c’est un flash-back. Notre protagoniste, Ann, que nous retrouverons bientôt en tant que jeune femme, est dans ces images une petite fille aux prises avec une mère effrayante. Une mère folle (schizophrénie, on le saura tout à l’heure) mais, selon Ann, plus encore : possédée.
Attention car la scène (même pas mauvaise) est fonctionnelle pour établir un climat, pour présenter un personnage, mais aussi pour jeter dehors un thème central : celui de la maternité, de la lignée matriarcale.
Immédiatement après, cette petite fille – la petite fille qui priait le Seigneur de la protéger d’une mère qui, pauvre fille, ne la battait pas avec une béquille métallique mais se coiffait avec un peigne en corne et une violence insolite – nous la rencontrons de nouveau, cette fois devenue jeune femme, jeune nonne, parlant à un psychiatre (méconnaissable Virginie Madson) à qui il raconte ses traumatismes et ses croyances.
Et ce qu’on remarque tout de suite, c’est que cette jeune nonne ressemble beaucoup à la jeune Elena Eleniak, l’Elena Eleniak de Baywatch.

En effet, lorsque peu de temps après certains des jeunes prêtres qui, comme elle, étudient et travaillent dans un institut du Vatican à Boston (véritable école d’exorcistes, ainsi qu’une clinique pour étudier des sujets peut-être possédés, et comprendre avec l’aide des psychiatre dont au-dessus qu’il y ait quelque chose à voir avec le Malin ou la maladie mentale, pour ensuite agir en conséquence), lorsque ces jeunes prêtres lui lancent des regards intenses, on pense tout de suite : « Tiens, tu vois ça Daniel Stamm non seulement il veut faire une horreur exorciste mettant en scène une femme, mais aussi travailler sur le désir sexuel pour cette belle fille ».
Mais non, car au fond ces regards ne sont que des regards de chaste amitié et de curiosité professionnelle.
Mais non, car tout ce qui importe à Stamm, c’est de surfer sur la vague féministe pour dire que même les nonnes peuvent devenir des exorcistes, et que le féminin spécifique, combiné à une pincée de rationalisme psychologique (rappelez-vous le psychiatre au début, n’est-ce pas ?) peut bénéficier d’un rôle vital dans la pratique.

Bref, en Les yeux du diable il y a cette religieuse au passé traumatique et peut-être diabolique qui se lie à une petite fille hospitalisée dans cet établissement, et cette petite fille en sortira vraiment possédée, avec tout le répertoire des contorsions, des vocalises diaboliques, grimpant sur les murs qui nous infecter ensuite que le chef-d’œuvre de Friedkin qui a commencé tout a commencé à être imité à plusieurs reprises et servilement.
Et bref, il ressortira que seule elle, maternellement, et s’adressant à la personne et non au diable, réussira, peut-être, la tâche qui a vu échouer tous les mâles du film, y compris le professeur d’exorcisme incarné par un très solide Colin Saumon. Elle, qui est celle que le démon qui vivait dans sa mère, et maintenant cette petite fille, a poursuivi tout le temps, et on ne sait pas pourquoi elle ne l’a pas simplement pris.

Stamm il tourne sans fulgurances particulières un scénario qui tient sur des béquilles, et qui insiste à plusieurs reprises, rhétoriquement, sur, comme on l’a dit, le féminisme, la laïcité psychologique et les questions matriarcales. Il obtient quelques bons coups (pas ceux de la mère, ironiquement) et peut-être quelques sauts qui sont de toute façon très prévisibles. Il perd le peu de bien qu’il avait mis dans la ferme avec une finale décidément inutile.
Et enfin, après avoir regardé The Devil’s Eyes, tout ce que vous pensez vraiment, c’est à quel point son actrice principale, jouée par l’actrice canadienne de 26 ans Jacqueline Byers, ressemble à la jeune Erika Eleniak.
Il a été fait pour ressembler, pourrait-on presque dire. Parce qu’alors vous voyez que Daniel Stamm est de 1976, et qu’il avait entre 13 et 18 ans à l’époque Éléniak elle était extrêmement populaire, dans le costume rouge de Alerte à Malibu ou sans aucun costume sur un nombre incalculable de Playboyet vous vous donnez des réponses.
Pourquoi nous à Génération X vous ne sortez jamais (vivant) des années nonante.