Critique du BARDO

Le réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu est de retour en compétition à la Mostra de Venise avec son film le plus personnel, pour les thèmes et les situations mais aussi pour le style visionnaire. BARDO la fausse chronique de certaines vérités. L’avis de Mauro Donzelli.

Un Zibaldone entre deux Californies : la Baja mexicaine et celle plus au nord, de l’autre côté de la frontière, Los Angeles où il s’était installé vingt ans plus tôt. Alejandro G. Iñárritu il a réalisé son film le plus personnel, ambitieux, cher et autobiographique, bien qu’il préfère utiliser le terme en vogue dans la littérature autofictionnelle. Faites simplement défiler les crédits de BardeSous-titre La fausse chronique de certaines vérités, pour avoir une confirmation définitive. Il apparaît également en tant que monteur et créateur de la musique originale, ainsi que scénariste, réalisateur et producteur, bien sûr. Son alter ego est incarné par son compatriote Daniel Giménez Cachoet il s’en sort très bien, au-delà des cheveux avec une barbe et sel et poivre en commun.

Silverio Gama, c’est son nom, est un journaliste et documentariste mexicain bien connu qui vit à Los Angeles. Après avoir reçu une importante reconnaissance, je retourne dans sa ville natale, accompagné de sa femme et de ses deux enfants. Un voyage routinier, du moins en apparence, qui le conduira à s’immerger dans une magma palpitant de souvenirs, douloureux et refoulés, excitants et en tout cas déstabilisants, capable de le plonger dans une crise existentielle. Un voyage dans la fragilité même de l’existence humaine, entre peur de la mort et oubli.

Barde est une double biographie, ou plutôt celle au levain d’un intellectuel, autrefois journaliste puis documentariste apprécié et très politique, qui élargit son analyse à celle du Mexique lui-même, de sa relation complexe avec son voisin encombrant, jusqu’à même Cortès, le péché originel de la conquête espagnole qui a bouleversé la civilisation indigène. Alors il y a un la partie la plus intime, dans laquelle Iñárritu s’expose plusieurs fois à la reconstitution sans le bouclier de l’ironie ou du gros grain, le plus excitantqui raconte l’histoire du deuil d’un enfant né juste après l’accouchement, en plus de l’émotion contrastée de deux enfants qui subissent les choix de leurs parents, voire ceux de la migration, certes « première classe », finissant aux États-Unis dans un contexte bourgeois.

Un portrait de plusieurs générations de Mexicains aux prises avec la question de savoir s’il faut quitter le pays pour poursuivre un avenir qui offre des opportunités et les « martyrs » qui restent, vivant dans une bulle qui les protège d’une réalité trop souvent marquée par la corruption, de la complicité entre la classe politique et les criminels et de la violence quotidienne. Il est inutile de chercher un fil logique ou une analyse rationnelle dans ce journal visuel, une collection de pensées, de peurs, d’émotions, d’imagesdes vingt dernières années du réalisateur, entre rêve et réalité, qui confirment la grand talent visuel d’Iñárritu. Il y a plein d’idées et on trouve des visuels d’un impact considérable, cependant on regrette la tendance habituelle au débordement, à expliciter toute métaphore visuelle, sans jamais s’arrêter, en proie à une envie de raconter et surtout de se raconter. Trois heures de spectacle somptueux, vif et énergique, parfois arrogant et sans retenue, mais capable de secouer profondément, de ne pas laisser indifférent.