Examen d’Athéna

La mort d’un garçon de banlieue aux mains de la police déclenche une émeute dans le thriller au bord de l’apocalyptique de Romain Gavras, Athena, un Netflix Original présenté en compétition à la Mostra de Venise. L’article.

Athéna n’est pas une banlieue royale de Paris, mais elle y ressemble beaucoup. Le nom rappelle la guerre et la sagesse de la Grèce antique, une terre où le directeur, Romain Gavras est né, fils de Constantin. Et dès le début, le film est une tragédie, à la fois obsessionnelle en quête de réalisme dans l’action et capable de s’abstraire vers un histoire par archétypes. Comme celle des trois frères, les protagonistes de Athéna.

Ils sont sur des bords très différents d’une guerre civile qui est sur le point d’éclater à la suite du meurtre par la police d’un garçon de 13 ans, l’un d’entre eux, au désespoir de la mère qui tente de faire la médiation. Outre l’aîné, un soldat rappelé du front pour étouffer les velléités de révolte dans le quartier et le chef, le frère cadet. Il ne manque pas de trafiquants de drogue alliés à des policiers corrompus et à une figure austère et déjantée, un fondamentaliste islamiste de retour de Syrie. Peu de préambules : dès la première séquence prodigieuse on est immédiatement catapulté dans l’actionavec un plan séquence qui part de la tentative de tenir à distance les esprits déjà surchauffés devant un commissariat et se termine dans une banlieue en pleine révolte.

Il ne va pas dans le subtil, Gavras, c’est un thriller ventru, sans trop de nuances ni de marges de discussion : à prendre ou à laisser, se laisser submerger ou rejeter. Ce serait pourtant dommage, étant donné qu’au-delà d’une mise en scène à couper le souffle, le scénario, du réalisateur accompagné de Ladj Lydéjà auteur d’un autre excellent film sur cet univers en crise, Les Misérablesprimé à Cannes il y a trois ans, permet de carburant dans une explosion dystopique (pour l’instant) un incendie incendiaire qui implique de plus en plus la société française, mais pas seulement. Une histoire qui dialogue aussi avec la récente BAC Nordd’un point de vue formel, mais c’est surtout un version moins existentielle et plus action de Détester de Kassovitz. Une véritable film de guerre, avec une dynamique entre assiégés et assiégés que dans au moins une longue séquence, une parmi tant d’autres admirables, rappelle les batailles médiévales, sinon celles relatées dans le Tolkien de Peter Jackson.

Alors que l’affrontement se déchaîne, des résidus de la vie quotidienne progressent à l’intérieur des énormes immeubles de HLM : de la veillée funèbre pour le garçon tué à la journée en maternelle pour un groupe d’enfants. Une désintégration progressive de la normalité et de la responsabilité individuelle de chacun, constitutive de notre vie civile. On va vers une responsabilité (non) collective, un état d’urgence sans autre règle que l’instinct, la survie, mais surtout la vengeance. De nombreuses petites frustrations alimentent le carburant incendiaire d’une journée qui se transforme en nuit et d’une guerre civile qui devient fratricide et éclate non seulement à Paris, mais aussi dans d’autres villes de France. Pas de rédemption ni de catharsis en vue, pour les nombreux belligérants sur le territoire d’une banlieue défavorisée comme tant d’autres. Un spectacle puissant et captivant.