Examen de Tetris

L’histoire d’un des jeux vidéo les plus célèbres et populaires de tous les temps devient ici une histoire entre mythologie, thriller financier, comédie et espionnage, avec Taron Egerton et Nikita Efremov dans les rôles des protagonistes. Tetris est disponible en streaming sur Apple TV+ à partir du 31 mars. Revue par Federico Gironi.

Curieux. En train de regarder Tétris vous réalisez qu’à la fin du les années quatre-vingt le monde tel que nous le connaissions était destiné à changer à jamais, avec l’effondrement du communisme, mais aussi qu’au final le monde tel que nous le connaissions, surtout de ce côté-ci du rideau de fer, était déjà plus ou moins comme aujourd’hui.
pouquoi Tétris c’est un film qui fait beaucoup de choses ensemble, et le fait dans un esprit ludique (il ne pouvait en être autrement), et sans avoir peur de croiser les genres et les registres, et peut-être de paraître schizophrène.
De toute évidence la principale chose que fait Tetris est de raconter, dans une clé plus ou moins fictive, comment ce jeu inventé là-bas par Aleksej Leonidovič Pažitnov est devenu l’engouement de millions de joueurs dans le monde entier, distribué en bundle avec la première et légendaire Game Boy par Nintendo. Car pour arriver à ce marketing là-bas, un Néerlandais de naissance, New-Yorkais d’adoption et résidant à Tokyo après avoir fait escale à Honolulu nommé Henk Rogersquelqu’un qui a programmé et vendu des jeux vidéo par métier, a dû affronter une véritable odyssée, très risquée, et composer avec la cupidité et la corruption des deux côtés : ceux du capitalisme occidental et ceux du régime soviétique.

Juste pour vous donner une idée, Roger (qui dans le film a le visage de Taron Egertonflanqué dans le casting de personnalités connues et valables telles que Toby Jones et moins connu mais non moins valable que Nikita Yefremov, Igor Grabuzov et Sofya Lebedeva) a dû faire face à des gens comme le magnat des médias Robert Maxwell (Celui de la Daily Mirror, pour ainsi dire) et son fils Kevin, avec un obscur revendeur de jeux vidéo nommé Robert Stein, avec des bureaucrates à la tête des organes de l’État soviétique, des hommes impitoyables du Politburo Et Agents du KGBtraversant tangentiellement même la figure de Mikhail Gorbatchev (qui d’ailleurs ressort très bien du film).
Et encore pour vous donner une idée, celle qui démarre comme une bataille juridique basée sur des arguties contractuelles et des fraudes plus ou moins explicites relatives à la cession des droits du jeu aux sociétés occidentales qui se disputent celle-ci, comme sorte de thriller financier, il devient une histoire d’espionnage et de politique dans laquelle des échos presque à la Le Carré alternent avec des moments de comédiele tout lié à l’enthousiasme inconscient du cow-boy Rogers, et d’autres comme un véritable film d’action tempéré par des inserts 8 bits ironiques.

Écrit par Noé Rose (qui était le créateur de la série télévisée génieça monte Albert Einstein avec Geoffroy Rush) et réalisé par Jon S. Baird du biopic Laurier & Hardy, Tétris part de prémisses – la reconstitution des origines d’un succès extraordinaire, et le portrait de qui se cache derrière – qui peuvent être considérées d’une certaine manière comme analogues à un film comme Le réseau social: ce qui est aussi très différent, et pas seulement parce que Pink n’est pas Sorkin et Baird n’est pas Fincher.
C’est très différent parce qu’il y avait là l’intention de travailler sur une histoire vraie en en faisant un simple divertissement cinématographiqueavec tout ce que cela implique en termes de simplification, de spectaculaire, de trahison et de remaniement.
Tétris c’est avant tout un film à saveur pop, et pas seulement pour la musique ou les graphismes 8 bits qui rythment le récit, et pas seulement pour raconter un jeu qui fait partie de l’histoire de la pop. c’est pour désir précis de légèretémais sans jamais que cette légèreté pénalise les aspects d’espionnage de l’histoire. Et aussi réussir à faire un portrait efficace et, à sa manière, impitoyable de la vie à l’époque du socialisme réel, de l’Union soviétique à la veille de sa crise définitive, mais aussi d’un capitalisme déjà malade, qui corrompt et se corrompt .

Le portrait des années 80 n’est jamais trop nostalgique : des chansons à leur manière légendaires comme « Le compte à rebours final » Et « Tenir pour un héros » sont utilisés rationnellement, dans les couloirs de la rédaction Miroirs on peut voir une pochette (peut-être anachronique ?) avec Claudia Schiffer.
Le résultat, après quelques heures de plaisir sincère, est (également) d’ouvrir un nouvel onglet de navigateur, tapez www.tetris.comet jouez tant que l’ordinateur portable est chargé.