L'accident de piano arrive sur les écrans du Festival de Rome de l'excentrique et prolifique réalisateur et musicien français Quentin Dupieux. La critique de Daniela Catelli.
Quand on va voir un film de Quentin Dupieux, on sait généralement à quoi s'attendre : l'imprévisible. Ses films bizarres, qui naissent toujours de prémisses absurdes, comme un rêve surréaliste de Dalì (à qui ce n'est pas un hasard s'il a dédié l'une de ses œuvres les plus extravagantes), sont à la fois divertissants et aliénants. Artiste irrégulier et prolifique, musicien, producteur, DJ et grand nom de la nouvelle vague électronique française du nom de M. Oizo, avec qui il signe encore les musiques de ses films, il s'est fait connaître très jeune dans le monde entier grâce à son Flat Beat, qui accompagnait une très célèbre publicité de jeans en 1999. Depuis les années 1980, grâce à un cadeau d'appareil photo de son père, il réalise des vidéos et des courts métrages, augmentant peu à peu la durée de son des histoires. En 2001, grâce aux bénéfices de Flat Beat, il réalise Nonfilm, un moyen métrage sur un réalisateur abandonné par la troupe, suivi en 2007 du premier long métrage, Steak, avec le duo d'humoristes français Eric et Ramsy. Ses films parlent d'obsessions fétichistes pour les blousons en daim, d'étranges rites d'initiation pour rejoindre un gang, de deux voyous qui découvrent une mouche géante dans le capot de la voiture qui leur est confiée, d'un pneu tueur, d'un spectateur de théâtre qui met les acteurs en crise lors d'une représentation, etc.
L'accident de piano, son quatorzième long métrage, appartient à la veine la plus ambitieuse de son cinéma, même si le postulat est, comme à son habitude, absurde. Magali est une jeune femme haineuse, mais très riche et idolâtrée, qui a fait fortune grâce à ses vidéos virales en ligne, qu'elle a commencé à réaliser à 14 ans, en regardant les fous exploits d'automutilation de Johnny Knoxville dans Jackass. Par rapport à lui, il a un avantage : il souffre d'une insensibilité congénitale à la douleur, donc ses cascades deviennent de plus en plus exagérées (et voici la note surréaliste : son corps se régénère) jusqu'à ce que survienne l'accident de piano, à la suite duquel il se réfugie dans un chalet de montagne avec son assistant (et complice). Mais un journaliste découvre son secret et la fait chanter : il veut la rencontrer pour faire sa toute première interview. Magalie est obligée d'accepter, mais les choses ne se passent pas exactement comme elles l'espéraient.
Seul un réalisateur comme Dupieux pouvait confier un tel rôle à l'extraordinaire Adèle Exarchopoulos, plaçant au centre du récit un personnage sec et cruel qui devient, avec les fans qui l'assiègent, un triste reflet de la société dans laquelle nous vivons. Si le message n'est pas très original et est trop évident, la manière dont il est raconté ôte toute banalité au concept central car après tout dans l'univers de Dupieux les extrêmes des personnages créent à la fois un scénario réel et de science-fiction, qui horrifie, fait rire et laisse sans voix. Bref, encore une fois une idée très personnelle et surprenante du cinéma se dégage d'un de ses films qui, chapitre après chapitre, dresse une Comédie Humaine moderne et déjantée.