La critique d’un homme heureux

Un maire très conservateur s’apprête à tenter une énième réélection mais doit composer avec sa femme qui veut devenir un homme. Une comédie qui tente de secouer l’immobilisme sectaire de la province. La critique de Mauro Donzelli sur Un homme heureux.

Il y a la douce France, celle des campagnes fertiles et des paysans qui revendiquent leur rôle historique dans la société, et il y a le Nord, souvent moqué par les comédiens avec Danny Boon, symbole de la décadence économique. Près de Calais, dans un village comme tant d’autres avec une ancienne église et quelques monuments historiques, une évasion amusée vers la comédie se déroule sans trop de fioritures de la part de Fabrice Luchiniun intellectuel parisien dans l’âme qui aime porter les vêtements des simples provinciaux, de préférence très conservateurs comme Jean.

Maire depuis des années, il vit dans un confort bourgeois imprégné de valeurs gaullistes qui n’ont jamais évolué au fil des ans.tout le contraire du mémorable maire de Lyon beaucoup plus progressiste interprété dans Alice et le maire. Il a une importante nouvelle à annoncer à sa femme de quarante ans, Édith. Elle veut courir à nouveau, contrairement à ce qu’elle avait promis. Mais elle a une nouvelle encore plus sensationnelle à lui annoncer : il a entamé la transition pour enfin devenir un hommeafin de se sentir enfin dans un corps qui le représente.

Prémisse surprenante, il n’y a aucun doute, au-delà de la crédibilité grinçante, étant donné que les deux sont ensemble depuis quarante ans, pas depuis quelques minutes comme nous qui venons de les rencontrer. Mais au fond, Un homme heureux a des intentions très claires (et louables) : aborder un thème désormais acquis au sein de nombreux groupes sociaux, en essayant de le rendre comestible à une société beaucoup plus large et certainement pas trop progressiste. Bref, à cette France rurale encore aux pulsions gaullistes sinon vendéennes qui accepte avec une résignation superficielle – mais avec une insignifiance intime – la nouvelle nation multiethnique, inclusive et fluide.

Comme le maire Jean, donc, ou même le chef de famille Christian Clavier dans la mini-saga de N’épousez pas mes fillesqu’il a en commun avec Un homme heureux l’un des scénaristes. Dans ce cas c’était la diversité culturelle et ethnique au centre du parcours de croissance de Monsieur Verneuil et de son épouse, ici c’est plutôt l’identité et les droits sexuels qui sont en jeu. Toujours dans le ton de la comédie, bien sûr, sauf que dans ce cas, le résultat n’est pas aussi drôle et sophistiqué, bien que légèrement.

Un homme heureux exagère à l’extrême l’intolérance de Jean, pour élargir son chemin vers une éventuelle rédemption, se limitant cependant au ricanement facile et à la plaisanterie aussi prévisible qu’elle est désormais galvaudée. Deux joueurs vedettes comme Fabrice Luchini Et Catherine Frot, heureusement, visiblement en état de grâce et amusé par l’excentricité de l’histoire et du couple, ensemble pour la première fois au cinéma.

La gravité de la situation impose le secret, la campagne électorale ne peut être confrontée à cette révélation si éloignée de l’étroitesse d’esprit des positions sur les droits, la transition de genre et la diversité du maire vétéran. À moins que… vous vous en doutez, puisqu’il y a bien plus en jeu que sa réélection, mais aussi, malheureusement, une clôture vraiment trop décalée et qui manque de crédibilitécontrairement à certains moments précédents.