La forme du mal critique

Un film petit mais ambitieux, qui réunit le cynisme aiguisé de Lanthimos et une certaine corporalité cronenbergienne. Présenté à Sundance, Hatching – La forme du mal arrive dans les salles italiennes le 6 octobre : voici la critique de Federico Gironi.

Plus qu’une véritable horreur, Hatching est un conte de fées. Très noir. Un conte de fées très noir dont la morale et la métaphore sont aussi claires qu’explicites. Un conte de fées qui passe de moments vaguement troublants à des moments délibérément grotesques, qui flirtent sans crainte avec le ridicule paradoxal, sans jamais perdre l’équilibre.
Un conte de fées qui, avec une égale ambition, vise à retravailler et associer le ton algide et tranchant de Yorgos Lanthimos avec certaines corporalités cronenbergiennesSi nous voulons.

On part d’une banlieue finlandaise anxieuse dans sa perfection, autant anxieuse dans sa perfection ostentatoire (et fausse) est la famille que le réalisateur Hanna Bergholm nous amène à savoir. Une mère obsédée par la mise en scène de sa vie parfaite, son mari facile à vivre, et ses deux enfants : un mâle qui ne considère pas, et une femelle qui veut se façonner à son image et à sa ressemblance, à partir d’une compétitivité exaspérée, et du désir de exceller.
Cette image de famille suffocante est aussitôt perturbée par laeffraction littérale de l’étrange, sous la forme d’un corbeau noir qui brise les cristaux et bouleverse l’intérieur de mariage de la maison. La fille, Tinja, trouve le moyen de capturer l’oiseau, mais ce sera la Mère qui fera un geste extrême qui est la première vraie fissure dans l’idylle qu’elle-même s’attache à représenter.
Parce que de ce corbeau mort, tué par la Mère, un œuf naîtra, recueilli et éclos par Tinja, et de cet œuf naîtra quelque chose. Quelque chose qui s’avérera être ce que la Mère a donné naissance à la fille.

La progression est lente mais implacable, les virages nécessaires, les révélations structurelles.
Ce que raconte Hanna Bergholm est un conte de fée bien réel, que nous connaissons bien, et qui il parle de ce qui se passe à l’intérieur de nous à cause des traumatismes imposés par la famille, de la souffrance psychologique qui génère des monstruositésla.
Tinja vivait dans une illusion de perfection absurde et inexistante, et lorsque la réalité des choses, avec son côté désagréable et ses côtés sombres, commencera à se révéler à elle, les changements seront inévitables. Contrainte de maintenir un standard impossible alors même que cela a été pour elle une cause de souffrance, Tinja verra son opposition, sa rébellion, sa sosie sauvage et instinctif.

Une histoire de passage à l’âge adulte, donc, ainsi qu’un conte de fées. Avec beaucoup de référence indirecte à la maturation physique, au premier cycle menstruel : le regard du film est clairement féminin, les personnages masculins sont des accessoires, dans tous les sens.
Bergholm fait bien les choses, court bien, tient l’histoire dans la durée dorée de quatre-vingt-dix minutes, dit ce qu’il a à dire sans trop insister et se permettant des changements de registre qui font du bien à l’histoire, et aussi à nous qui regardons. Y compris, que ces jours-ci ça ne fait jamais mal, une satire latérale sur les réseaux sociaux et sur les mutations (oui, terrifiantes) qui opèrent sur notre psychisme et notre société.