La revue talentueuse de Mr. C

Pas seulement un jeu métacinématique amusant et déroutant, mais une réflexion sur le cinéma comme histoire, la création du mythe, la modélisation de l’imaginaire et de la réalité. En streaming sur Netflix. La critique de Le talent de Mr. C de Federico Gironi.

À un certain point de Le talent de Monsieur C (qui est un titre italien beaucoup plus simpliste et réducteur que l’original, qui sonne Le poids insupportable des talents massifs), Nicolas Cage comme Nicolas Cage il appelle son agent pour lui annoncer sa retraite de la scène.
Il lui dit notamment d’appeler les journaux (dans l’original je métiersles magazines spécialisés de l’industrie hollywoodienne) et leur dire que c’était « un véritable honneur pour lui de faire partie d’une des plus anciennes traditions humaines de narration et de création de mythes » (narration et création de mythesdans la version originale).
Ici, ceci jeu métacinématique amusant que l’on appelle Le talent de Monsieur C, et qui voit l’un des acteurs les plus excessifs, imprévisibles, fous et aimés du moment, endosser son rôle avec une grande auto-ironie, dans un jeu de miroir continu entre le cinéma et la réalité à l’intérieur et à l’extérieur du filmtrouve à mon avis dans cette phrase, dans l’idée du cinéma comme narration et création de mythes, une raison d’être plus complexe, et si l’on veut profonde, que la superficielle.

Le Nicolas Cage de ce film est un Cage obsédé par le travail et la carrière, à tel point qu’il a toujours négligé sa famille, un Cage qui a peur d’être au bout du fil, à tel point qu’il songe à abandonner le cinéma après avoir accepté d’être payé pour assister à la fête d’anniversaire en Espagne d’un mystérieux homme riche.
C’est un Cage qui, tel qu’on le connaît dans la réalité, dépense des sommes folles pour des objets douteux, dont il parle nouveau chamanismequi dans les moments les plus difficiles parle avec une sorte d’alter ego invisible qui est – évidemment – sa version de lui-même Marin Ripleyle protagoniste de Coeur sauvageou plutôt le père de tous les rôles sauvages et exagérés dans Nicolas Cage.
C’est un Cage un peu en crise et peut-être même un peu résigné, bien que toujours hébété et imprévisible, mais qui se retrouve pourtant dans le moi de films comme Face/Off Et Avec Air.
Celui de Avec de l’air c’est aussi le premier Cage que l’on voit dans ce film, regardé à la télévision par une jeune fille qui va bientôt être kidnappée, et qui est ensuite – évidemment – sauvée par Nicolas Cage tout ce qu’il peut dire, c’est « Nicolas Cage ? Tu es putain de chaud! ».

Maintenant, l’intrigue importe peu, le fait que chez l’homme riche Cage retrouvera un ami, mais aussi l’homme soupçonné de l’enlèvement de la jeune fille vue au début du film, et qui d’un acteur sur la route à l’échec se transformera en agent au service de la CIA, et que dans tout cela, évidemment, il trouvera aussi un moyen de reprendre le contrôle de sa carrière et de sa vie de famille.
Tout bien considéré, les duos savoureux dont il devient ensemble le protagoniste comptent également pour peu. Pierre Pascall’homme riche qui le voulait dans sa maison parce qu’il l’adore et l’idolâtre et connaît chacun de ses films et chaque blague par cœur.
Ce qui compte c’est que, avec ce film, pour lequel il n’a aucun crédit de scénario (écrit par le réalisateur Tom Gormican avec Kevin Etten), Nicolas Cage a, bien avant de prendre la première prise, avec son idée pour ce film, certifié qu’il n’est pas un petit rôle, mais je dirais presque fondamental dans l’ancienne tradition humaine de la narration et de la création de mythes.

Nicolas Cage il a rendu sa vie impossible à distinguer de ses films, il s’est fait quelque chose de plus qu’un acteur, quelque chose de plus qu’une star, mais une véritable idole, un figure mythologique capable d’habiter le monde réel et celui du cinéma sans transition apparente, capable d’être à la fois lui-même et ses personnages, capable d’abolir toutes les barrières possibles entre la vie et le jeu.
Lorsqu’il est à terre dans une pièce, en proie à un poison, et qu’il est sur le point d’être découvert par les méchants, Nicolas Cage n’a besoin que de quelqu’un pour crier « Action ! » pour récupérer et injecter l’antidote. Cage il sait bien conduire parce qu’il l’a fait en J’y vais dans 60 secondes. Il court vite parce qu’ils l’ont vu le faire Trésor national.
Où est-ce que cela se produit ? Dans le film? En réalité? Nulle part ou dans les deux dimensions ? Ou dans la dimension transcendante de l’imaginaire à cheval entre les deux mondes ?

Mais fais attention.
Pourquoi jeLe talent de Monsieur Cqui part des idées kaufmaniennes (au sens de Charlie) pour glisser ensuite vers l’action plus éhontée de Baie et de Courtiser (mais sans atteindre leurs sommets respectifs et relatifs), et qui revêt alors encore une fois une tournure métacinématographique, est certes un petit jeu – sacrément amusant – mais il est tout sauf une célébration de l’ego de son protagoniste, de son mythe, du son idole.
Parce que dans le Le talentueux M. C Cage il sait – il a inconsciemment fait savoir à ses scénaristes, je dirais, avec son cinéma et sa vie – que pour ressusciter, pour transcender définitivement, il faut aussi une autocritique, quoique douce, toujours enveloppée d’ironie.
Et c’est pourquoi, en fin de compte, Le talent de Mr. C et Nicolas Cage sont gagnants. Parce que dans ce fouillis peut-être un peu superficiel de choses, de références, de projets et de réflexions, il y a des étincelles d’introspection et de vérité.
Comme ceux qui concernent Paddingon 2et sa beauté.