Isabelle Huppert est la sublime protagoniste du thriller La Vérité selon Maureen K. de Jean-Paul Salomé, une histoire vraie transformée en film dénonçant les scandales de la politique économique, des violences faites aux femmes, de la justice qui ne fait pas son devoir.
« Je me appelle Maureen Kearney. Je n’ai pas menti. Je n’ai rien inventé. » Ces mots, fermement prononcés par le protagoniste de La vérité selon Maureen K.et qui arrivent tard dans le film lorsque la reconstruction correcte des faits est presque terminée, identifient le genre auquel la nouvelle collaboration entre Jean-Paul Salomé Et Isabelle Huppert, qui est le thriller, ou plutôt, du moins pour un temps, le thriller judiciaire. Ils nous préviennent aussi, au cas où nous l’aurions oublié, que l’histoire qu’on nous raconte a bien eu lieu, même si la femme accusée d’avoir inventé son viol n’est plus irlandaise mais française. Curieusement cependant, cette vérité des faits correspond non pas à une représentation réaliste mais à une stylisation qui rappelle l’imagerie de certains noirs français (comment ne pas penser à Claude Chabrol?) et qui concerne avant tout l’apparence extérieure de l’interprète principale et la manière dont le réalisateur décide de la filmer.
Plus d’un femme fatalemême si elle n’abandonne pas le rouge à lèvres, le Huppert elle a l’apparence d’une poupée imperturbable, d’une femme professionnellement impeccable que son métier de syndicaliste rend déterminée, incisive et apparemment froide, au visage sans rides sous l’effet d’une lumière presque aveuglante qui efface les volumes et d’un paire de lunettes noires donnant un Isabelle un regard intelligent. Cela ne veut pas dire que l’actrice n’apparaisse pas aussi petite et mince qu’elle l’est en réalité, et la présence, à ses côtés, d’un mari affectueux qui ressemble à un gentil géant (Grégory Gadebois) ne peut manquer de nous révéler que rien n’est comme il paraît et que le chignon et la nuque sur lesquels la caméra fait le point à plusieurs reprises Jean-Paul Salomé ils font également référence à des créatures hitchcockiennes fragiles telles que Marnie ou la Madeleine/Judy de La femme qui a vécu deux fois. Aussi Maureen il pourrait se briser en mille morceaux comme un miroir brisé, mais un passé douloureux lui donne la force de supporter une injustice et de ne pas abandonner, et il n’y a pas de meilleur soldat que celui qui ne craint pas la défaite parce qu’il connaît déjà le goût amer de la défaite. il.
Revenons à la véritable histoire de Maureen K.qui ne change pas de nom dans le film et auquel un livre a été dédié Caroline Michel Aguirre. Maureen il travaille comme syndicaliste pour un géant de l’énergie nucléaire et évolue dans un environnement à haut niveau de misogynie et de testostérone auquel il tente de s’opposer en disant par exemple au nouveau patron : « Depuis quand on vous demande, les hommes, d’avoir les compétences nécessaires ? » . Un jour, elle reçoit des informations top secrètes sur un projet secret visant à vendre des technologies nucléaires françaises à la Chine. Or, cette partie du film, qui devrait être une dénonciation, est la moins efficace et la moins intéressante, car elle décrit un domaine que tout le monde ne connaît pas et qui se perd entre un nom et un autre de l’époque de Sarkozy et de Hollande, sans oublier de pêcher généreusement dans le pot du jargon économique, politique et industriel. Heureusement, le rythme de l’histoire change alors, car arrivent des appels téléphoniques anonymes et des menaces, ainsi qu’une agression sexuelle qui, selon la plupart, n’a jamais eu lieu et qui est donc prise pour un mensonge.
Alors voici le nôtre Wonder Woman elle est obligée d’enlever son costume de super-héros et d’oublier #Metoo pour faire un voyage dans le passé, en l’occurrence dans un passé traumatisant marqué par un événement horrible. C’est là que les eaux se confondent, et pendant un instant Maureen semble prendre par la main Érika de Le pianiste Et Michele De Elledevenant un personnage presque ambigu ou du moins une ex-petite amie interrompue, et en somme un enfant indiscipliné à qui une détestable juge interdit de boire de l’eau dans une petite bouteille parce que « Ce n’est pas une aire de pique-nique ».
Quel que soit le masque que vous portez Maureen K.dont celui de l’ancien alcoolique, Isabelle Huppert se tient calmement sur ses épaules La vérité selon Maureen K., et c’est une bonne chose que ce soit le cas, car le film n’est jamais assez disruptif ni assez incisif. Il ne s’agit pas d’un roman policier car le mystère n’est pas entièrement expliqué, ni d’une histoire d’autonomisation des femmes, étant donné que certains personnages masculins secondaires sont coupés à la hache et apparaissent donc nécessairement de « rang » inférieur. Il reste cependant le sentiment d’avoir découvert une histoire intéressante et d’avoir assisté à une autre prestation sublime de l’une des meilleures actrices françaises qui aient jamais existé, ce qui n’est pas rien.