Les deux faces de la Lune Revue

Trois films pour le prix d'un, mais aussi au prix d'un peu de confusion et d'incertitude. On parle d'amour, de conquête de l'espace et surtout de vérité, mais Berlanti ne semble pas vraiment sincère. La critique de Fly Me to the Moon de Federico Gironi.

Dans Fly Me to the Moon, il y a au moins trois films. Il y a une comédie romantique qui, peut-être grâce au décor des années 60 et au féminisme symbolique de son protagoniste, peut rappeler certaines tonalités de J'en ai finis avec l'amour. Il y a un drame qui raconte l'aventure spatiale d'Apollo 11. Et voilà une réflexion métacinématique sur la vidéo de l'alunissageque les théoriciens du complot souhaiteraient avoir été filmé en studio par Stanley Kubrick.
L'ordre dans lequel j'ai énuméré ces trois identités n'est pas aléatoire : il suit en un certain sens, non servilement, la chronologie du film, mais c'est surtout un ordre basé sur le niveau d'intérêt, du mineur au majeur.

Kelly Jones (Scarlett Johansson) est un magicien des communications de Madison Avenue, un Don Draper féminin : peut-être (ou alors ?) aussi un peu un escroc. Le fait est que le gouvernement frappe à sa porte sous les traits de Moe Berkus (Woody Harrelson, merveilleux comme toujours), agent mystérieux, ambigu et tout-puissant d'on ne sait quelle organisation secrète : la NASA est en crise d'image, il faut la relancer, il faut de l'argent pour aller sur la Lune. Et des sponsors. Elle, elle Kate : elle est la seule à pouvoir les retrouver.
Et c'est ainsi que Kate arrive à Cap Canaveral, où Cole Davis est aux commandes (Channing Tatum), ancien as de l'aviation dans le ciel coréen, astronaute raté, responsable de missions spatiales : dont la tragique d'Apollo 1, qui l'a profondément marqué.
Les deux ne pourraient pas être plus différents : elle est toute forme et zéro substance, lui est le contraire. Surtout, deux points de vue antipodes sur ce qu’est et devrait être la vérité. Ils ne pourront rien faire d'autre que tomber amoureux (aussi parce qu'ils sont deux visages d'une même capitale), Et nous, qui regardons le film, nous soucions très peu de l'issue de leur histoire.

Je vais un peu mieux, Envole-moi vers la Lunequand il doit parler de l'anxiété – un peu de tout le monde, finalement de Kelly aussi – pour la préparation et la réussite de la mission cruciale, celle d'Apollo 11, celle qui devra emmener l'homme (l'Américain, surtout) sur la Lune pour la première fois.
Et cela devient encore mieux lorsque s’ouvre le chapitre relatif aux fausses images d’alunissage.
Parce que, dit le personnage de Harrelson, on ne peut pas risquer de retransmettre en direct à la télévision un échec, l'échec américain : et donc dans le plus grand secret, dans un hangar isolé, il faut construire un décor et filmer un faux alunissage. Seul quelqu'un comme Kelly peut organiser la chose : une réalisatrice de publicités supergay sera à la réalisation, sans surprise envieuse du succès de « Stanley », elle sera productrice.

Greg Berlantien tant que réalisateur, n'est certainement pas un Kubrick ; Rose Gilroyqu'il a écrit, n'est pas exactement Aaron Sorkin ou Matthieu Weiner. Conséquence de ces valeurs de terrain, et de ses trois âmes, Envole-moi vers la Lune c'est un film un peu vague, incertain, flou. Il n’est jamais clair ce que vous voulez vraiment nous dire, sur quoi vous voulez que notre attention se concentre. Une débauche de fins et de sous-fins comme on n'en a pas vu depuis la fin de la trilogie de Tolken Peter Jackson cela n'aide pas dans ce sens.
Berlanti il a l'ambition de tout garder ensemble, de porter toutes les âmes et identités de son film, mais l'impression est que quelque chose lui tombe toujours des mains en cours de route. Johansson Et Tatum Ils ne semblent pas tous les deux convaincus, mais heureusement, le géant est là. Harrelsonqui boit du scotch et du citron dans un rôle fait sur mesure pour lui, et de temps en temps aussi Ray Romano intervient pour soutenir la cabane.

A la fin de la foire, Fly to the Moon est un film sur la vérité, ou la post-vérité. La tension idéale entre l'absence de scrupules entre le magicien du marketing et des relations publiques de Kelly et l'interprétation rigide de l'honnêteté de Cole devra trouver une synthèse efficace et fonctionnelle pour les deux (sur le plan sentimental et professionnel) mais aussi pour nous tous (et pour la société américaine qu’ils incarnent). Le faux alunissage est là pour faire office de métaphore, et aussi pour se moquer (non sans ambiguïté) de certaines théories contemporaines du complot social. Mais le paradoxe, en somme, c'est qu'il y a très peu de vérité – ou plutôt de sincérité – dans ce film.