Petite Amélie, la critique du délicat film d'animation d'après le roman d'Amélie Nothomb

La Petite Amélie est une production d'animation française, avec laquelle les réalisatrices Maïlys Vallade et Liane-Cho Han portent au cinéma le roman plein d'esprit « La Métaphysique des tuyaux » d'Amélie Nothomb. À travers un style fascinant. Notre avis.

Fin des années soixante. Amélie est née au Japon, car son père est diplomate belge et sa famille y réside temporairement : après les deux premières années et demie où elle vit dans un état pratiquement végétatif (non pathologique), Amélie s'ouvre à la vie grâce au chocolat blanc que lui donne sa grand-mère, et vit son premier cycle des saisons. Un monde plein de surprises l'entoure, qui pour elle dépendent de sa volonté (elle se fait appeler « Dieu« ). Tout ne lui revient pas, mais le lien avec la bonne-nounou Nishio-San représentera son premier vrai contact avec les sentiments les plus immédiats.

Transposer le roman « La métaphysique des tubes » (2001) d'Amélie Nothomb n'a pas été de tout repos : autobiographie semi-fictionnelle des trois premières années de la vie de l'écrivain, c'est un court et arrogant tour de force d'ironie acérée, de fantaisie et d'humour. Sous l'égide de Goodfellas Animation, Maïlys Vallade (déjà animatrice sur Ernest et Célestine et Le Petit Prince) et Liane-Cho Han s'essayent à la réalisation (animatrice sur The Illusionist, story artiste pour Ballerina), avec l'approbation de Nothomb elle-même, qui a choisi de ne pas interférer dans l'entreprise. La Petite Amélie est un film bien plus doux et émouvant que le texte dont il est issu, il s'adresse donc probablement davantage à un large public qui serait interloqué par l'insolence adorable et très intelligente qui transparaît dans les pages originales. L'adaptation commence par une voix off qui reprend J'emprunte le roman d'emblée, mais commence à se passer de cette solution au fur et à mesure du déroulement de l'histoire, pour y avoir recours plus tard lors des passages plus complexes à véhiculer dans le bon registre. Pour le reste, il efface le texte des digressions les plus comiques (les tentatives du père au théâtre Nô ont été écartées, tout comme sa maladresse générale), et tente judicieusement de rendre visuellement le lien entre Amélie et Nishio : on est sûr que les mouvements pour écrire le nom de la petite fille en les idéogrammes resteront imprimés chez certains spectateurs, fascinés par la culture japonaise.

Le film fonctionne mieux lorsqu'il insiste sur les passages émotionnels, car en effet il était difficile de trop souligner l'équation Dieu-Amélie sans le filtre sarcastique de Nothomb, au risque de la laisser paraître trop hallucinée ou de mauvais goût. Heureusement, Vallade et Han parviennent à ne pas édulcorer le sujet, car l'exploration parallèle de la vie et de la mort par Amélie reste une boussole assez claire du chemin narratif : une noyade ratée, d'abord involontaire, puis volontaire (à 3 ans !), sont mis en scène avec une extrême attention et respect du public, qu'il soit adulte ou enfant. Peut-être que la méchanceté et le ressentiment amer de Kashima-San, qui déteste les Occidentaux qui se souviennent de la Seconde Guerre mondiale et méprise ceux qui les « servent », comme Nishio, ne ressortent pas comme dans le livre. Mais heureusement, les auteurs ne les ont pas complètement retirés de l’adaptation, une décision qui aurait été prévisible s’ils s’étaient concentrés uniquement sur la poésie la plus inoffensive et la plus facile. Cependant, nous sommes passés à côté du point de vue contenu dans la magistrale phrase finale du roman («Il ne s'est rien passé d'autre après ça« ) : La Petite Amélie utilise les événements racontés comme un prélude optimiste à la vie, tandis que le roman vise avec amertume du bout de la plume à isoler l'irrépétable miracle de la découverte du monde.

Nous avons été heureux de voir comment Maïlys Vallade et Liane-Cho Han ont récupéré et renforcé la direction artistique d'un film sur lequel elles ont travaillé toutes les deux et que nous avons beaucoup apprécié : Sasha et le pôle Nord du réalisateur Rémi Chayé, qui a ensuite signé Calamity avec le même style. Le directeur artistique de Petite Amèlie, Eddine Noël, avait travaillé avec lui sur ce dernier film, donc cette approche de l'image se stabilise et se développe dans les différents projets, sans se disperser. Les contrastes flous des couleurs douces, presque aquarelles et pas toujours réalistes, ainsi que les formes sans lignes de contour, favorisent une lecture immédiate du plan, mais pas simpliste, satisfaisante et raffinée. Ces solutions visuelles deviennent un bel apport aux longs métrages d'animation, qui ne veulent pas tomber à plat sur le CGI photoréaliste ou l'anime 2D (ici évoqués de loin, malgré le décor).