Avec une histoire inspirée d’un fait qui s’est réellement passé, Ciro D’Emilio dans le deuxième ouvrage confirme un beau regard de réalisateur, même si tout n’est pas pleinement convaincant. L’avis de Daniela Catelli.
Bernardo est un homme qui a réussi : il vit dans le Frioul, dans ce nord-est prospère de l’Italie où ce que vous avez fait la différence. Il fréquente les gens qui comptent, il a une fille qu’il adore, comme passe-temps et pour l’adrénaline, il est pilote de rallye avec son ami proche et futur maire et rêve d’une étoile pour son restaurant. Il fait partie de ces hommes qui semblent ne jamais se lasser et ne jamais s’arrêter, certains de leur invulnérabilité. Jusqu’au jour où, à cause d’un jeune cousin, il est contraint à un arrêt inopiné qui détruit toute sa vie : sans blâme, il devra passer un an en prison, où il se liera d’amitié avec Elia, une détenue de l’Est qui aide lui pour survivre et vers qui il se tournera une fois libéré pour reprendre tout ce qui lui a été enlevé.
Avec Pour rien au mondesa deuxième œuvre plus tard Un jour soudain, Ciro D’Emilio confirme en partie les promesses des débuts, changeant radicalement d’histoire, de cadre et de point de vue. C’est un cinéma stylistiquement fort avec une attention portée à chaque détail, du jeu à la mise en scène, du commentaire musical au paysage, qui ici n’est pas seulement un arrière-plan mais un co-protagoniste comme ceux qui y vivent. C’est aussi un cinéma pensé et organisé avant même d’arriver sur le plateau, du travail avec les acteurs à la narration intéressante articulée sur trois timelines qui ne confond pas mais donne au spectateur suffisamment d’éléments pour se faire une idée sans pouvoir émettre de jugement. . Sa limite réside cependant dans un raffinement parfois excessif qui finit par perdre de vue le fond de ce qu’il raconte.
S’inspirant d’un fait divers qui s’est réellement passé, D’Emilio crée un film qui met en jeu différents thèmes: de la valeur de l’amitié à la stigmatisation et aux préjugés sociaux, des choix que le désespoir conduit à faire à l’erreur judiciaire et aux relations interpersonnelles, celles de toujours et celles qui se créent dans certaines circonstances. Car rien au monde n’est l’histoire de la descente aux enfers d’un innocentmais ce n’est pas (et ne veut pas être) Détenu en attente de jugement, ce n’est pas un film de plainte. D’Emilio cite comme inspirations et modèles Le prophète par Audiard, Mon nom est Joe de Ken Loach, 21 grammes par Inarritu e Le lutteur par Aronofsky pour leur capacité à combiner réalisme et spectacle cinématographique, en étudiant la dynamique des personnages qu’ils racontent. Les ambitions sont légitimes et les références claires, mais le résultat final pour le spectateur le plus attentif est très prévisible et laisse un goût amer en bouche.
Cela dit, nous réitérons notre appréciation pour la mise en scène, la belle bande son de Bruno Falanga et la performance des acteurs, tous très en partie, à commencer par le protagoniste, le toujours crédible et intense Guido Caprinoqui donne à son Bernard un écho dostoïevskien et fait preuve d’une excellente alchimie avec son second rôle Boris Isakovicacteur serbe bien connu lors de sa première répétition en Italie, qui dresse avec Elia le portrait véridique d’un imposant personnage ambigu, jusqu’à Diego Ribon, un de ces interprètes capables d’être naturel dans n’importe quel rôle. Nous attendons D’Emilio avec confiance pour le troisième test qui – nous le comprenons – le conduira dans des territoires encore différents.