Revue Banel & Adama

Seul premier film en compétition Cannes 76, le film de la réalisatrice franco-sénégalaise Ramata Toulaye Sy témoigne du talent visuel d’un auteur qui doit cependant apprendre à freiner certaines tendances esthétiques et à mieux structurer la suite de ce qui raconte. La critique de Banel & Adama par Federico Gironi.

Ceux du titre du film sont les noms de ses deux protagonistes. Les noms de deux jeunes, mari et femme, qui vivent leur grand amour dans un village du nord du Sénégal.
Adama est destiné à devenir le chef du village, mais il compte abandonner. Par amour. Pour Banel, qui le veut pour lui tout seul, qui aimerait passer chaque minute avec lui, et qui rêve d’aller vivre avec lui hors du village, dans une maison abandonnée qu’il veut ramener des sables qui la recouvraient.
Banel est passionné, Banel est têtu, Banel refuse les traditions. Ignorez les superstitions. Et entraîne Adama avec lui. Du moins jusqu’à ce qu’une terrible sécheresse mette à rude épreuve les conditions de vie dans leur village.
En train de regarder Banel & Adama il vous vient assez vite à penser que nous avons affaire à un énième film de ces années qui célèbre l’indépendance féminine, et le désir d’échapper aux obligations et conventions auxquelles la société voudrait soumettre les femmes.
Et donc vous avez aussi tendance à penser que la conclusion de l’histoire est assez évidente, alors que ce n’est pas le cas. Du moins de ce point de vue. Heureusement.

Seul premier film en compétition au Festival de Cannes 2023le film du réalisateur franco-sénégalais Cuivre Toulaye Sy il s’ouvre sur le plus malickien des plans possibles, un de ceux qui méritent un moratoire : un personnage marchant de dos dans un champ illuminé par le soleil, sa main touchant les oreilles, l’herbe ou ce qu’il y a dans le champ.
« Un indice est un indice, deux indices sont une coïncidence, mais trois indices font une preuve », a-t-il déclaré. Agatha Christie.
Et si l’incipit n’était qu’un indice, il ne faut pas longtemps pour avoir la preuve de la tendance de Banel & Adama à rattraper par l’esthétique un manque de contenu qui ne résulte que d’un postulat svelte dont on tourne trop obstinément.
Il suffit d’attendre, et de voir les couleurs éblouissantes des vêtements, la tendance souvent onirique, le travail de la caméra sur les personnes, les animaux, les environnements.
C’est beau à voir, Banel & Adama, mais ce que vous voyez ne suffit pas à satisfaire le spectateur. L’abstraction ne l’est pas, ni le contenu « politique » de ce qui est vu.
Chiffon, Cuivre Toulaye Sy, il l’a, il ne se contente pas de le mettre en scène. C’est son premier pas, un peu incertain, on attend de voir les autres, qui on l’espère seront plus solides.