Revue blonde

Marilyn Monroe racontée par Andrew Dominik dans Blonde, une adaptation du roman de Joyce Carol Oates, avec Ana de Armas dans le rôle de l’icône. Le film a été présenté en compétition à Venise. L’avis de Mauro Donzelli.

L’icône et la femme. Marilyn Monroe et Norma Jean. Une vie racontée par Joyce Carol Oates dans un roman devenu un classique contemporain, Blondmaintenant adapté de l’australien André Dominique, qui s’aventure dans des territoires très éloignés de ses précédents films. Surtout L’assassinat de Jesse James aux mains du lâche Robert Ford ou Cogan. Le protagoniste de ces œuvres, Brad Pitt, a produit cette œuvre risquée et globale à partir d’un livre complexe.

Le film l’est aussi, plutôt fidèle et très dense : de formats, de filtres, d’objectifs, d’artifices d’expression visuelle. De la courte enfance vécue auprès de sa mère bientôt hospitalisée en hôpital psychiatrique jusqu’aux premiers pas du jeu d’acteur avec de relatifs compromis, jusqu’à la célébrité, en passant par les histoires d’amour et surtout les recherche permanente de la figure paternelle, jamais connue. Un voyage entre réalité et fiction, avec un doublage insisté entre la Norma Jean privée et sa projection publique, la Marilyn est devenue une véritable marque incontournable de la société du spectacle messe du XXe siècle, la quintessence de « Je ne suis pas une star, je ne suis qu’une blonde ». Une histoire rythmée par toutes les images principales de Monroe qui ont construit la mythologie comme un album, recréé à l’identique par Dominik.

Après tout, sa mère l’avait prévenue, dans l’un des rares moments de lucidité, « en Californie on ne comprend jamais ce qui est réel et ce qui est à l’intérieur de soi ». Le cercle de lumière est ce que Marilyn a toujours recherché, pour laisser ses parents sortir à côté personnages, qui vivaient sans technique ni détachement, étant émotionnellement dévastés. Un clivage bipolaire psychanalytique rendu comme une accumulation de chevauchements entre les deux personnalités, secouées par des traumatismes qui s’accumulent sans toutefois pouvoir éliminer ceux de l’enfance, qui ont marqué le mal de vivre tout au long de leur vie, jusqu’au bout. Désespérée que la maternité guérisse la blessure personnelle d’un enfant abandonné et humilié par sa mère et son père qui ont toujours attendu chaque instant, alors que le sentiment de culpabilité pour un avortement juvénile représente un cauchemar récurrent personnifié par Blond avec un fœtus « parlant » avec lequel il interagit.

Une des nombreuses figures extrêmes d’un film dégoulinant d’images dérangeantes, contrastes continus entre l’obscurité intérieure et l’extrême lumière des feux de la rampe, souvent déformés par les pelotons d’exécution, au rythme des plans des flashs des photographes qui frappent comme des balles, victime de la projection du désir à cause de sa célébritéentrant dans l’inconscient de nombreuses personnes. La preuve d’Ana de Armas est l’une des lueurs de chaleur dans un film glacial de performances sonores, lumineuses et formelles. Son travail dans et hors des âmes de Marilyn est épuisant et émouvant. Une vie emprisonnée dans un corps devenu une icône donnée au public, passant par les interceptions constantes du mâle qui le traite comme un morceau de viande.

Dans Blonde, la fragilité est tellement exhibée, dès le premier coup, qu’elle devient un personnage de défense supplémentaire, un autre masque parallèle à celui de Marilyn Monroe. L’intimité de Norma Jean peine à émerger dans un renouveau de la complexité du roman originel, au-delà de l’apparente immédiatement déchiffrable, bidimensionnelle et naïve représentée par son icône. Une vie de rêve donnée au public et brisée pour elle qui ne sort pas du fond de son gouffre existentiel. Il reste à flot, une accumulation visionnaire saisissante ce qui en sort plus saturé qu’entraîné, dépourvu de variations et de nuances.