Revue de nos cravates

Les liens au sein d’une famille, les contradictions d’adultes enfermés dans leur vie, sont racontés dans Les miens, aussi bien réalisé qu’interprété par Roschdy Zem. La critique de Mauro Donzelli du drame présenté à Venise.

Une famille autour d’une table, tendue à l’excès pour accueillir les différentes générations qui se retrouvent le temps d’un déjeuner dominical ou de vacances. Roschdy Zem comme tant d’auteurs ces dernières années, il est pris par le besoin de raconter des personnages et des histoires personnelles et il met en scène une famille semblable à la sienne, française d’origine marocaine, pour une fois bourgeoise et avec des problèmes qui vont au-delà des problématiques de subsistance ou d’intégration. Ils sont les accidents universels d’êtres humains si proches, souvent uniquement pour des raisons de sang et avec des années de mauvaise fréquentation. Ni Mine, Les miens, Zem est mis en scène à la première personne, dans le rôle de son « célèbre » frère, Ryad, mais aussi celui considéré par d’autres comme le moins attentif et attentif aux besoins des autres. Il vit dans un penthouse vitré sur la Seine avec sa fiancée, bien que le soupçon universel, même de nous spectateurs, soit qu’il soit avant tout amoureux de lui-même.

Moussa c’est le bon frère, bienveillant et très fier de lui, de son succès comme animateur d’une émission sportive. Il est également le seul à défendre Ryad des critiques d’égocentrisme. Une chute accidentelle provoque cependant un traumatisme crânien à Moussa, dévasté en secret depuis des mois car sa femme, qui vit reculée au Maroc, ne répond plus à ses appels et de fait, sans trop de compliments, l’a quitté. L’accident lui cause un état de « somnolence permanente», entame un long processus de rééducation qui le mène à travers une bouleversement du personnage. Il se met à parler sans filtres, avec une brutalité sans précédent il se livre à des analyses dévastatrices, même si lucides et souvent vraies, qui déstabilisent toute la famille.

Artifice pas vraiment de crédibilité cristalline, qui se heurte à une histoire racontée avec une recherche de réalisme en déclinant les nombreuses idiosyncrasies de une de ces familles du sud où l’on parle de l’autre, tout le monde a un avis et se heurte souvent et volontiers, à haut volume. Mais aussi, comme le dit sa compagne Ryad lors d’une querelle dans laquelle elle aussi démontre qu’elle ne supporte plus son compagnon narcisse : « J’aurais aimé avoir une famille comme ça ». Zem retient les excès qui le rendaient irritant ADN – Les racines de l’amourle précédent film réalisé par l’actrice qui interprète la partenaire de Ryad, Maiwenn, qui a également écrit Les miens avec lui. Reste le un portrait poli et plutôt ordinaire des relations traditionnelles et des malentendus de ce genre. La signification la plus originale est sans doute de pouvoir s’affranchir des étiquettes et d’universaliser l’histoire d’une famille française d’origine maghrébine, quoique banale à sa manière..

Une famille qui n’est pas si menaçante, élève la voix et écoute peu, mais Zem aplanit les angles et est clairement guidé, comme il le dit, par l’intention de réaliser « mon histoire d’amour avec mon peuple ». Heureusement, les acteurs sont au premier plan et donnent une bonne dose d’humanité. Et où mettre en scène ce convivial si ce n’est à table, où ce voyage s’ouvre et se ferme avec quelques turbulences, mais un atterrissage en toute sécurité prévisible ? Autant danser dessus, ce qui est toujours bon.