Revue Les Filles d’Olfa

Un documentaire avec deux actrices jouant deux des quatre filles d’une femme tunisienne, enrôlée pour Daesch. Les filles d’Olfa est un objet particulier, un film réalisé par Kaouther Ben Hania présenté à Cannes. L’avis de Mauro Donzelli.

Une famille divisée en deux. Quatre sœurs, les deux plus jeunes, adolescentes, vivent toujours avec leur mère, tandis que les deux autres, les plus âgées, se sont fait connaître sous le nom de Les filles d’Olfa, après avoir fait la une des journaux pour leur enrôlement dans l’Etat islamique en Libye, où ils sont toujours en prison, et le seront encore pendant de nombreuses années. Celui de Kaouther Ben Hania (auteur il y a quelques années de l’intrigant L’homme qui a vendu sa peau) c’est un documentaire très spécial sur la radicalisation. En fait, il a choisi de raconter la rupture qui a divisé les choix des deux paires de sœurs à travers leur mère, Olfa, mettant en scène une reconstitution-reconstitution, utilisant les trois femmes, mais aussi les actrices qui les incarnent pour les moments les plus douloureux et pour interpréter les sœurs loin de chez elles en Tunisie.

On les retrouve souvent ensemble, les filles et les actrices, en préparation du film fatidique, tandis qu’Olfa plaisante en disant qu’elle se sent « comme Rose » qui raconte l’histoire qui sera plus tard Titanesque. Mais il n’y a pas de blockbuster à mettre en scène, une autre histoire sur les deux filles qui se sont retrouvées sur la route pavée de la mort par l’armée islamique en Libye. Les filles d’Olfa raconte l’avant, raconte l’intime et non l’histoire éclatée dans l’actualité, raconte comment il a été possible qu’une famille nombreuse, féminine, joyeuse et pleine de vie, ait pu être traversée par un tel sursaut. « Oscillant entre ombre et lumière », comme le dit le réalisateur, qui reste une présence constante dans le film sous la forme d’une voix off. C’est justement la mise en scène particulière, pour pallier leur absence, entre mémoire et mise en scène, qui déplace le spectateur et risque de jouer une fausse note plus que nécessaire..

Dans une succession d’embarras et de sourires, de solidarité et de douleur, le film nous emmène dans le territoire le plus intime d’une vie domestique qui au fil des ans a connu le bouleversement naturel donné par quatre adolescentes, mais dans lequel cependant les points les plus extrêmes ont conduit deux d’entre eux pour passer du non-conformisme social rebelle à la conversion spirituelle la plus trompeuse et la plus dramatique de ces années, la conversion fondamentaliste (anti)islamique d’ISIS. Une parabole socialement assez courante chez ceux qui se sont radicalisés entre l’Europe et l’Afrique du Nord.

Si la séduction d’une intimité qui se dévoile demeurede l’espoir naturel en un avenir du parcours de départ de quatre jeunes femmes, pas toujours en harmonie avec les contradictions de la mère, le film est moins efficace dans la partie la plus ambitieuse de son « projet », toujours visible, pour représenter en profondeur, à partir d’un microcosme, les faux pas et les incohérences de la société contemporaine.