Revue TAR

Un chef d’orchestre très apprécié, joué par Cate Blanchett avec beaucoup de charisme et de classe, est le protagoniste de Tár, le film de Todd Field présenté en compétition à la Mostra de Venise. L’avis de Mauro Donzelli.

Elle est toujours habituée à monter sur le podium, Lydia Tar. Dans la première scène dans le rôle inédit de soliste, interviewé devant un parterre de fans. Dans la suite du film, on la voit diriger son orchestre berlinois, dos aux sièges vides d’un théâtre, attendant d’être remplie par ces mêmes fans. C’est un rare exemple d’une femme chef d’orchestre, américain, du curriculum qui prend quelques minutes de présentation. Il est toujours en contrôle, héritier rigoureux d’une tradition qu’il a vue dans ces régions avec la baguette à la main des monstres sacrés de la profession comme Herbert von Karajan. Sa carrière est à son apogée, il s’apprête à présenter un livre sur sa vision de la musique qui fait déjà grand bruit, mais surtout prépare une interprétation de la Cinquième Symphonie de Mahler.

Un monde antique, construit sur un rituel résiduel du siècle dernier, avec un père maître, un enseignant sur le podium, sans déclinaison féminine, même si c’est une femme qui perpétue la tradition. Comme le dit Tár elle-même, un orchestre n’est pas une démocratie, et nous ne dirions même pas une oligarchie, mais une tyrannie, gérée d’une main de fer et d’une autonomie totale, dans laquelle la modernité, cependant, ces dernières années laisse entrevoir, au moins dans l’exercice de la justice et les nominations des solistes, un partage des pouvoirs. Champ de Todd écrit dans les notes du réalisateur que « ce scénario a été écrit pour un artiste : Cate Blanchett. S’il avait refusé, le film n’aurait jamais vu le jour ». Nous en sommes bien convaincus, étant donné que ce portrait d’un monde feutré, luisant à l’extérieur et impitoyable à l’intérieur, est une sorte de statue vivante sculptée autour du charisme, de l’élégance et de la classe d’une des rares divas du cinéma contemporain.

Le goudron est le portrait d’un monde qui s’effondre, dans lequel un centre de pouvoir perd ses privilèges, soumis à la force motrice d’une modernité plus attentive aux empiètements non plus acceptés entre pouvoir et abus. Un examen précis, à partir du langage chromatique et de la composition des lieux et des températures émotionnelles implacables, qui il met en évidence la nature mathématique de la musique, plutôt que la nature mélodique. Le protagoniste est un personnage granitique et à ce titre incapable de gérer les virages, dépourvu du minimum de souplesse qui permet de surmonter les à-coups sans risquer de s’effondrer sans prévenir. Un monde de l’orchestre qui n’est pas sans rappeler celui du cinéma, avec le metteur en scène au sommet de la pyramide, ou la même société aujourd’hui, de plus en plus binaire et manichéenne, peu habituée à l’art du compromis.

La manipulation rampante commence à émerger comme un élément clé dans la gestion par la protagoniste de son univers de collaborateurs, dont est également issue la compagne, avec qui ils ont adopté une adorable petite fille. C’est (seulement) elle qu’émergent les rares moments où le masque raide de la personne de pouvoir révèle une lueur d’humanité, loin du podium d’où il vit la vie comme une constante obsession : pour le pouvoir comme pour la musique. Une obsession qui la tourmente même la nuit, sous forme de bruits nocturnes inattendus, une forme de bande sonore qui ne lui permet jamais de se détendre, de baisser ses défenses, sauf lorsqu’elle s’échappe pour courir le long du fleuve.

Une histoire de pouvoir malade poussé aux marges, avec l’émergence d’une nouvelle génération qui ne semble pas subir le charme du pouvoir, mais celui de la projection de (sa) réalité à travers les réseaux sociaux. Soi Cate Blanchett c’est tout simplement extraordinaire, le film marque la voie dans la partie finale, il perd la tension troublante qui séduit jusqu’à ce moment, où il raconte l’effondrement du système de pouvoir de son protagoniste.