Revue Titine

Un film d’animation norvégien élégant et émouvant raconte les deux expéditions en dirigeable vers le pôle Nord, qui ont donné lieu à un choc d’égos entre l’ingénieur Umberto Nobile et l’explorateur Roald Amundsen. Du point de vue d’un chien qui a réellement existé. Notre avis.

Dans le vingtainel’explorateur norvégien Roald Amundsen n’a pas encore renoncé à atteindre le pôle Nordalors il a une idée : demandez à l’ingénieur aéronautique italien Umberto Nobile la création d’un dirigeable adapté aux affaires, le Norvège. Umberto relève le défi et le rejoint, emmenant avec lui ses inséparables mascotte de chien Titina, mais la paternité du succès entre Umberto et Roald est débattue. La deuxième expédition était entièrement souhaitée par Nobile par fierté, avec le dirigeable Italieaura une issue plus dramatique.

« Plus ou moins basé sur une histoire vraie« , suggère une légende pour cela Titineun Long métrage d’animation norvégien d’une élégance essentielle surprenante, signée par le réalisateur du court métrage Kajsa Næss: cela peut surprendre, étant donné qu’une période historique très spécifique est étudiée par yeux d’un chien, mais il y a de la rigueur, du respect et peu de manichéisme dans la mise en scène de ce qui s’est passé à l’époque, avec moins de licence poétique qu’on pourrait le croire. D’un autre côté, Titina elle-même avait été une présence emblématique aux côtés de Umberto Nobile (1885-1978), avec son partenaire et autrefois rival Roald Amundsen (1872-1928) incarnation d’un esprit de découverte et de défi, qui n’avait pas encore été dissipée ni gangrenée par la Seconde Guerre mondiale. Mais il en restait peu.

Le humourégalement parfaitement géré dans le scénario de Per Schreiner écrit en collaboration avec le réalisateur, il ne choisit jamais le gros gag facileet ne recule jamais devant crochets légèrement noirsnécessaire pour faire les deux protagonistes ne sont pas tant fallacieux qu’humains. Amundsen plein de lui-même, même prêt à manger Titina elle-même dans un moment difficile, mais également prêt à faire le sacrifice ultime au nom de ses valeurs. Noble injustement utilisé par la folie des grandeurs de l’autre, mais également ouvert à solliciter la collaboration de Mussolini, Balbo il est né en régime, quand l’ego a besoin d’un financement ponctuel. Le déroulement de l’histoire nous amène à comprendre les deux, et sans les tentations nationalistes des auteurs, c’est peut-être Nobile qui s’en sort le mieux.

Tout cela est filtré par douceur d’une animation 2D nette, nette et délicatement caricaturaleavec un ego légèrement satirique Sylvain Chomet (et une oreille attentive à sa gestion de bande sonore répertoire et autre), même sans atteindre ce niveau d’animation détaillée. La gestion de la couleur et du trait, équilibrée par un montage jamais anxiogène, réalise le miracle de transmettre avec peu de moyens l’exploration d’une nature dure mais évocatrice: l’idée d’aventure peut être suggérée par la force d’une juxtaposition de couleurs, ou par un changement soudain de couleur. Nous avons repensé ce qui est tout aussi essentiel bien que différent dans l’esprit Sasha et le pôle Nordencore une escapade d’animation bidimensionnelle au milieu de la glace, un beau long métrage franco-danois d’il y a quelques années.

La poésie légère de Titina repose sur les petites jambes de petit chien, mascotte aujourd’hui du film et de ses tribulations aussi lointaines qu’à l’époque des événements réels : si Umberto et Roald doivent équilibrer leur fascination pour l’inconnu et la nature avec leur propre vision du monde et d’eux-mêmes, un malheur de l’humain esprit conditionné par mille stimuli, le lien premier et absolu avec ces glaces, avec cette aventure, est à juste titre l’apanage de Titina. Évoqué comme un émouvant symbole de jeunesse par Nobile, qui revoit les vieux (vrais) gens film d’archivele personnage réussit tendre mais jamais séveux: les attentes, les questions, l’étonnement, le contact avec les autres semblent plus naturels à Titina. Et le réalisateur ramène ainsi à la maison un film qui, sans se priver d’une observation sociale ni d’un thème complexe compréhensible pour les plus âgés, saura éveiller la curiosité des plus jeunes.