Le grand réalisateur chinois revient au cinéma et à Hollywood avec un film entièrement théorique, globalement mineur dans sa filmographie mais en quelque sorte majeur dans la scène d’action contemporaine. La critique de Silent Night de Federico Gironi.
Violence et sentiment. Action et mélodrame. Des balles et des larmes.
Dans le Cinéma John Woo, les choses sont toujours allées de pair. Entrelacés, embrassez-vous. Sans avoir besoin de trop de mots, en laissant souvent les corps, les gestes, les actions plus importants que les constructions du langage.
Il est donc logique qu’à 77 ans John Woo tu retournes à Hollywood et au cinéma avec Nuit silencieuseun film où le protagoniste n’a pas du tout la langue.
Oh mon Dieu, ce n’est pas qu’il n’a pas de langue comme muscle : il n’a pas de langue dans le sens où il ne parle pas, parce qu’il a reçu une balle dans la gorge – adieu les cordes vocales, oui – et il est miraculeusement vivant.
Même si peut-être il aurait préféré ne pas le faire.
Il a reçu une balle dans la gorge parce qu’il tentait d’arrêter les membres d’un gang latino qui terrorise la ville texane où il vit et qui, peu avant, lors d’une fusillade, avait touché son petit fils avec une balle perdue.
Miraculeusement, il est vivant, mais pas son fils.
Et dans le sous-titre de Nuit silencieusequi lit « Le silence de la vengeance »il y a tout ce qu’il faut pour comprendre l’intrigue du film.
Maintenant.
Le fait est que Silent Night est un film étrange.
Un de ceux où Courtiser semble se tromper sur beaucoup de choses, à commencer par le choix de J.Oel Kinnaman en tant que protagoniste, quelqu’un qui n’est pas vraiment très expressif lorsqu’il parle, encore moins lorsqu’il se tait. Mais là encore, en Amérique, Woo a toujours fait cela, en travaillant avec quoi et avec ceux qui étaient mis à sa disposition.
Un de ces films, Nuit silencieuse, dans laquelle le sentimentalisme lyrique de Woo – ici porté au paroxysme autant que la violence – risque de déborder et de conduire au kitsch, comme dans une certaine scène finale. Où les chorégraphies d’action, à l’époque de ce John Wick qui sans John Woo n’auraient jamais existé, sont si étudiées dans leur géométrie grossière qu’elles semblent, en comparaison, presque bâclées.
Surtout, Silent Night fait partie de ces films qui semblent avoir été réalisés exprès pour inciter les plus obsédés par la politique des auteurs à réclamer un chef-d’œuvre. (ceux qui, à juste titre, trouvent dans ce film un hommage à l’un des maîtres de Woo, Chang Cheh) et faire lever le nez aux autres (qui peut peut-être enfin dire que Woo est bouilli, on l’a joué, après tout il est surfait).
La vérité, si l’on peut parler de vérité, n’est pas tant au milieu, entre ces positions qui pourraient aussi s’embrasser comme s’embrassent la violence et le sentiment, mais plutôt dans la prise de conscience que tout ce que l’on peut dire de théorique sur la poétique et l’esthétique de John Woo ici sublimées, devenues tension idéale, quintessence et abstraite, vaut dans la mesure où l’on reconnaît que Silent Night est un film de John Woo, avec toutes ses qualités. et du talent, mais qui est aussi un film mineur à sa manière, de John Woo.
Moins que John Woo mais, en même temps, en quelque sorte plus grand dans le panorama du cinéma d’action contemporain (John Wicken fait, et dérivés), que ce maître incontestable – tout sauf surfait – reprend et ramène à une essentialité de pensée et de mouvement qui taille et abolit, avec une élégance martiale, tout baroque inutile et toute superstructure lourde, pour laisser l’espace, quoique souvent interstitiel, au mélodrame.
Expliquer.
Le protagoniste de ce film n’est pas un tueur mortel et redouté qui revient à l’action pour se venger. Sans préjuger de la vengeance, le protagoniste de ce film est un Américain moyen qui, malgré une année de préparation physique, balistique et mentale intense, se sent mal à l’aise et présente une certaine maladresse rigide au moment d’entrer – justement – dans l’action.
Sa motivation est telle et si grande d’ailleurs qu’elle annule tout contour familial, sentimental, amical possible, et si quelque chose subsiste (ou émerge), c’est que les besoins de la production sont toujours ce qu’ils sont.
Et sa motivation, la boucle se referme, est un sentiment absolu et paroxystique, qui n’a aucune crainte.
Ni de la mort, ni du ridicule.
Comme le film qui le raconte, comme son réalisateur.