Un an, une nuit

Un couple amoureux lors d’un concert. Le soir de l’attentat du Bataclan, tout bascule, même entre eux. Une histoire vraie racontée par l’Espagnol Isaki Lacuesta dans Un an, une nuit avec Noémie Merlant et Nahuel Pérez Biscayart, en salles à partir du 10 novembre avec Academy Two. L’avis de Mauro Donzelli.

Ils sont jeunes et beaux, mais surtout insouciants et pleins de vitalité, amoureux et déterminés à construire une vie de couple, après l’avoir fait avec soin dans les sphères personnelles et professionnelles. Ce sont deux trentenaires ordinaires, rescapés de la nuit de l’attentat du Bataclan. Ils existent vraiment, pas seulement sur grand écran, car celui raconté dans Un an, une nuit c’est une histoire vraie, celle de l’Espagnol à Paris Ramón Gonzálezqu’il relate dans un livre dont le titre sonne comme un excellent résumé : Paix, amour et Death Metal.

Céline et Ramon, interprétés avec une générosité convaincante par Noémie Merlant Et Nahuel Perez Biscayartréagissent très différemment au traumatisme subi, qui est raconté tout au long du film de manière fragmentaire, tout comme l’esprit travaille dans un syndrome de stress post-traumatique, cherchant désespérément les pièces correspondantes d’un puzzle. Elle ne veut plus en parler ni y penser, elle semble capable de reprendre sa vie. Mais le leur ? Celle d’un couple soudé et amusé ? Au lieu de cela, il essaie de revenir à cette nuit-là, pour vraiment comprendre ce qui s’est passé à lui et à Céline, considérant également que les deux s’étaient rapidement séparés au début du concert, avant même que les terroristes ne fassent irruption dans la salle de concert. Ramon souffre également de violentes crises de panique qui l’immobilisent, il dépend de la présence et de l’amour plus maternel et protecteur que complice ou malveillant de sa fiancée.

Parmi les différents films qui racontent cette nuit, le choix de Isaki Lacuesta il s’agissait de montrer, bien qu’avec beaucoup de respect (et debout sur eux), l’explosion de la violence au sein du Bataclan, mais d’entrelacer sa description avec la phase plus compliquée, celle de la reprise. Ils ne manquent pas des moments d’ordinaire qui ont un impact énorme, malgré leur calme apparent, comme le matin et les jours suivantscomme ceux qui vivaient à Paris (dont le constructeur espagnol, Ramón Campos, et l’écrivain) s’en souvient très bien. Ce qui frappe et implique de Un an, une nuitet le sensorialité perturbatrice des images, le besoin tactile de s’accrocher aux corps, aux rêves et aux souvenirs, de surmonter quelque chose d’extrêmement violent mais aussi diaboliquement immatériel comme un souvenir qui s’efface. La lumière du jour qui filtre par les grandes fenêtres des appartements parisiens, les lits défaits, les horaires décalés de deux personnes qui reproposent des gestes quotidiens mémorisés même s’ils n’en trouvent plus la passion et l’énergie, peut-être même pas le sens.

Qu’adviendra-t-il de leur amour ? Ce n’est pas ce qui compte Un an, une nuit, mais c’est le chemin qui conduit les deux en phases alternées à s’impliquer et à dépasser une lecture superficielle. Il parvient à pénétrer l’âme de Céline et Ramon, à exposer leur fragilité sans mièvrerie mais avec une humanité contagieuse. Un parcours de traitement impossible s’il est rejeté a priori, à assimiler lentement et avec maturité, conscient que plus rien ne sera comme avant, mais tout pourra à nouveau donner de l’énergie et de la passion.