Une critique nocturne violente et silencieuse

Vous en avez assez des films de Noël sucrés ? Heureusement Tommy Wirkola nous offre Une nuit silencieuse et violente. Un film incorrect, mauvais et ultra-éclaboussures qui est aussi un film de Noël inhabituel. L’avis de Daniela Catelli.

Et si le Père Noël non seulement existait, mais avait été dans une vie antérieure un guerrier qui paie ses péchés par un travail épuisant et « bienfaisant », contraint à l’uniforme rouge et blanc inventé par Coca Cola mais dégoûté par le consumérisme et le manque d’imagination de ses petits clients ? C’est ainsi que nous sommes plus ou moins présentés au protagoniste de Une nuit violente et silencieuse, un gentleman alcoolique corpulent, désabusé et triste, qui penche plus du côté Grinch (avec quelques relents de Krampus) et est prêt à abandonner les rennes et le sac avec des cadeaux à ses doubles humains et à se retirer dans la vie privée avec le confort de de l’alcool. Et ce n’est que la prémisse d’une comédie d’horreur pyrotechnique qui nous rappelait le bon vieux splatter des années 80, capable de passer sans timidité du gag caricatural au gore le plus dégoûtant, avec une ironie et une acuité qui ont finalement réussi entre les lignes à en dire long sur le monde dans lequel nous vivait. Celui de Tommy Wirkola est un film anti-Noël et en même temps un bon film de vacances parfaitune histoire paradoxale où il n’y a pas de bons héros (par contre il y en a vraiment de mauvais), les coups en dessous de la ceinture sont autorisés et les surprises et les rires sont au rendez-vous, avec l’utilisation de chants de Noël classiques et l’iconographie typique de l’époque. agir comme un contrepoint à des situations exagérées, surréalistes, hilarantes et même un peu horrifiques.

On salue le retour aux sources du réalisateur norvégien (si vous ne l’avez pas vu Neige morte sur les nazis zombies, corrigez-le et pendant que vous y êtes, vous pouvez également ajouter Gretel & Hansel – chasseurs de sorcières), qui, en bon Européen, se fiche de la rhétorique et plonge ses mains avec entrain dans les entrailles du mythe, nous présentant un Bad Santa absolument irrésistible (un fantastique David Harbour) basé sur un scénario brillant des auteurs des films de Sonique, Pat Casey Et Josh Miller, passant de manière transparente et sans creux du slapstick à l’horreur la plus pure. Le succès ou l’échec de ce type de film réside dans l’équilibre entre les genres Une nuit violente et silencieuse ne déçoit pas les attentes. Cela vous fait rire, cela vous fait serrer les dents, cela vous ouvre grand les yeux et la bouche d’incrédulité. Peut-être que s’il était sorti dans les années 1980 précitées, il aurait été l’un des nombreux films d’horreur discrets de l’époque (il y a aussi un léger parfum de Troma à l’intérieur), mais aujourd’hui qu’on est tous accros aux visions édulcorées, corrigées , soucieux de ne déplaire à personne, sa vision est une véritable bouffée d’air frais.

Et au final, si comme nous vous en avez marre des films de Noël sucrés qui chaque année sont incontournables sur les écrans du monde, sur les plateformes de streaming et à la télé, vous apprécierez le fait qu’ici sauver Noël et sa magie n’est pas qu’un petite fille ingénieuse et désireuse d’aller bien au-delà du Kevin de maman j’ai raté l’avion pour vaincre les méchants, mais aussi sa famille détestable, très riche et corrompue. Il y a de nombreuses références cinéphiles dans le film, les soi-disant « in-blagues », dont certaines sont décidément justes et toujours sur le sujet. Le casting est également convaincant, à commencer par les deux principaux antagonistes, le susdit David Harbour (qui dans la dernière saison de Choses étranges avait démontré ce dont il était capable) et un Jean Leguizamo qui nous rappelle à quel point il est bon et combien plus souvent on aimerait le voir au cinéma. De la matriarche cupide et cruelle incarnée par le vétéran (et méconnaissable) Beverly D’Angelo à Cam Gigandet et en anglais Alex Hassel avec ce visage de dessin animé, jusqu’au petit Léa Bradyces acteurs confirment que l’harmonie et la conviction du casting font la différence, quel que soit le type d’histoire qu’on leur demande de raconter.

Et au final, après les membres coupés, les têtes qui sautent, les grossièretés, le sadisme et les méchancetés assorties, on peut même s’émouvoir de ce Noël rouge sang qui, tout en se moquant de ses propres rites et mythes, finit par les célébrer. Parce qu’au fond chacun de nous veut la même chose : retrouver un peu de magie et croire à nouveau aux fées comme nous le faisions enfant. Bien sûr, pour ce faire, dans ce cas, nos héros doivent piétiner pas mal de cadavres. Mais sommes-nous vraiment sûrs que le bien doive toujours être impuissant face au mal ? Au moins au cinéma et sans culpabilité on peut l’imaginer armé jusqu’aux dents, prêt à se salir les mains et destiné à toujours gagner.