à Cannes c’est au tour des cow-boys d’Almodóvar

« Je pense toujours qu’avant d’être directeur de festival tu étais un artiste de cabaret, Thierry, car sur scène tu es toujours un grand amuseur ». Il n’est pas clair si le commentaire de Pedro Almodovar – adressé aux pétillants Frémaux qui risquait aussi de basculer, se sauvant in extremis d’un réflexe de judoka, alors qu’il montait sur la scène de la salle Debussy pour présenter le court métrage de l’auteur espagnol – qu’il s’agisse plutôt d’un compliment ou d’une plaisanterie. J’aimerais ce dernier, mais qui sait.
Après une longue attente sous une pluie battante, et un système de gestion de file d’attente loufoque, le public de Mode de vie étrange ils envahissent la salle à la recherche de places non réservées Saint-Laurentqui a produit le court métrage.
A l’extérieur, pendant ce temps, la direction démente en a fait entrer beaucoup dans la file d’attente, laissant de nombreux journalistes et spectateurs avec un billet régulier à l’extérieur.

Puis le court commence.
Du numérique ultra pointu, un Ouest américain reconstitué en Espagne de manière explicitement artificielle, un mannequin déguisé en cow-boy chante les couplets de la chanson d’Amalia Rodrigues qui parle du fait qu’il n’y a pas d’existence plus étrange que celle de celui qui vit avec son dos tourné à vos désirs.
Ethan Hawke (à Cannes, dans la salle), shérif de la commune de Bitter Creek au passé de bandit armé, s’entretient avec le témoin du meurtre, celui qui a vu un homme boiteux de la jambe gauche s’enfuir du domicile d’une femme assassinée. Pendant ce temps, il entre dans la ville Pedro Pascal (pas à Cannes, pas dans les salles), portant une veste verte. Pascal vient à Hawke, il est immédiatement clair que les deux se connaissent, même s’ils ne se sont pas vus depuis vingt-cinq ans. Et que leur passé commun n’est pas seulement le flingueur.
Nous sommes toujours dans un film d’Almodóvar.
Dîner, quelques verres de vin, Hawke fixant le cul de Pascal, et c’est tout. Un réalisateur et une histoire droite, aujourd’hui, n’auraient peut-être pas pu se permettre la même chose.
Et pourtant, le matin, Hawke résiste, il doit aller attraper le tueur et il doit se libérer de l’embarras de cette nuit.
Il y a cependant un autre embarras : le tueur présumé est le fils de Pascal.

Je ne dirai rien d’autre, sinon c’est un spoil. Mais finit-il là où il sait, près de la morale : que peuvent faire deux hommes dans un ranch ? Se tenir compagnie, prendre soin les uns des autres. Très bien.
Cependant, comme cela arrive souvent, le Thème, ou la Morale, ou quoi que ce soit qui mange du cinéma ici. Le cinéma d’Almodóvar aussi est resté loin, très loin de la beauté de La voix humainesans parler de ses longs.
Désolé de le dire mais — ça va être numérique, ça va être autre chose — mais Strange Way of Life est un peu plat, un peu banal. Ça se termine, et vous vous dites : « D’accord, d’accord. Vous avez également mis deux symboles sexuels masculins hétéros là-dedans, je comprends. Mais alors? ».
Alors c’est Cannes, c’est Fremaux, c’est Saint Laurent.
C’est bon. La pluie, les files d’attente, la désorganisation. Cela fonctionne comme ça. C’est juste.
Ou non?