Revue Le Retour

Une mère et ses deux filles dans un été en Corse qui les reconnecte au passé familial et aux ambiances et souvenirs de leur père décédé des années plus tôt. Le retour marque le retour de Catherine Corsini en compétition à Cannes. L’avis de Mauro Donzelli.

Une mère, française d’origine africaine, et deux filles. On les voit quitter la Corse précipitamment par bateau, pour les voir revenir quinze ans plus tard, alors que leurs filles, Jessica et Farah, ont désormais 15 et 18 ans. Le titre suggère un mouvement de retour, Le retour, dans la dynamique d’une famille aux racines doubles, face à une île particulière et utilisée depuis des siècles pour revendiquer sa diversité au continent : la Corse. Elle est la protagoniste cachée du film de Catherine Corsini à côté de son père – il est de ce pays – qui est mort dans un accident de voiture plusieurs années plus tôt. La mère, Khédidja, ramène ses filles lors d’un été où elle travaille dans une villa d’une famille parisienne aisée en vacances au bord de la mer.

Par petits pas, on reconstitue la lacération en quête d’une suture de ce trio de protagonistes, qui en profite pour se retrouver comme ça n’arrive pas au quotidien, tandis que l’aîné, qui vient d’être admis à la prestigieuse Sciences Po , représente pleinement le profil de son studieux et avec un avenir prometteur. La petite sœur, en revanche, est peu intéressée par les études, vive et grossière. Bref, ils représentent, d’une part, l’homologation à la « société blanche » de la migration de seconde génération, d’autre part un esprit rebelle qui lutte pour s’intégrer dans ce qu’il considère comme une communauté pharisaïque et insistante. Le racisme est sans doute l’un des thèmes de ce récit, décliné surtout dans la première partie et dans les deux variantes : celle, vulgaire, de certains jeunes du coin encore attachés à des slogans éculés comme « retourne dans ton pays », mais aussi le plus underground de la bourgeoisie de gauche au portefeuille gonflé, représenté par le chef de famille qui a demandé à Khédidja de s’occuper des enfants.

Mais on est loin d’avoir épuisé les sujets abordés, regroupés les uns après les autres par Corsini, avec un succès mitigé. Des racines et des origines au deuil, en passant par la colonne vertébrale qui parcourt toute l’histoire, celle d’une famille bâtie sur l’équilibre précaire du mensonge et des années de silence. Le passé est encombrant et prêt à exploser, à l’été « habituel » qui changera à jamais la vie des protagonistes. Corsini est habituée à une mise en scène viscérale, à poser son regard sur la charnalité de ses personnages. Et dans ce domaine offre des moments convaincants en décrivant les relations entre les trois femmes, mais aussi entre elles et certains habitants qui joueront un rôle crucial. Il s’avère que moins habile, et douée de grâce, quand elle travaille les absences, les souvenirs, cherchant une fluidité naturaliste à la Kechichesans pour autant avoir la capacité d’allier légèreté et fatalité, voyager pour des étapes didactiques qui sentent bon la construction, nous faisant percevoir les fils qui animent les actions des personnages, incapables de vivre pleinement leur propre vie.

Le retour accumuler de nombreux détoursprévisible, donnant pourtant un triple portrait certes pas méprisable de générations en quête d’un dialogue difficile. Cependant, un sentiment de déjà vu ailleurs demeure, dommage au regard de la louable tentative de mettre en lumière des personnages souvent laissés en marge du récit cinématographique. Un parcours pourtant anobli par la vitalité et l’énergie, mais aussi par la mélancolie, du trio de protagonistes.