Examen du maître jardinier

Chapitre extraordinaire d’une carrière grandissante au-delà de 70 ans, Master Gardener est le film de Paul Schrader présenté hors compétition à la Mostra de Venise après avoir reçu le Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière. L’avis de Mauro Donzelli.

Il n’a jamais été optimiste, Paul Schrader, et ce n’est toujours pas le cas, à 76 ans. Mais il a enquêté sur la culpabilité et la rédemption de toute sa carrière et croit aux métaphores, sinon au futur, car « jardiner signifie croire en l’avenir, ce changement viendra en temps voulu ». Si ce n’est pas de l’optimisme il nous ressemble beaucoup, et contemple le pardon dans son extraordinaire Maître jardiniertourné en dix-huit jours, avec une totale liberté de création.

L’histoire est celle d’un horticulteur profondément méticuleux, Narvel Roth (Joël Edgerton), qui exprime tout son art acquis au fil des ans dans les Gracewood Gardens, terrains et jardins qui entourent l’ancienne propriété de la riche veuve Norma Haverhill (Sigourney Weaver). Les deux se livrent des conversations quotidiennes, entre le serviteur gardien de la beauté en vue et un personnage de plus en plus inquiétant reine de l’ordre totalitaire, qui surveille chaque graine, feuille, plante ou personne qui travaille sur sa propriété. Au cours d’un de ces petits déjeuners la dame demande à embaucher, et en perspective à évaluer comme son héritière, une jeune arrière-petite-fille, Mayaà qui elle peut enseigner le métier et faire évoluer ses compétences d’apprentie à « Maître Jardinier ». Le calme de l’univers réglé par la patience, l’ordre absolu, le soin avec lequel chaque plante est soignée selon sa nature, est bouleversé par le chaos. L’irruption d’un mouvement agité qui réveille le passé trouble de Narvel, assoupi depuis quelque temps mais encore bouillonnant de sommeil.

Ancienne métaphore de l’homme, celle du jardin, depuis l’Eden, se débarrassant de la mauvaise herbe. Un entrelacement difficile à organiser, entre spontanéité de croissance et contrainte au sein de styles différents, de l’anglais au sauvage au français. Ils sont aussi un miroir des changements sociaux au cours des siècles, d’un outil utile et rustique à un statut, une exposition de richesse. Les saisons imposent un changement brutal, mais limité dans le temps, la floraison irisée alternant avec un rétrécissement automnal à hivernal. Maître Jardinier a une énergie patiente et troublante dès le premier plan, capable d’hypnotiser par le calme de ses descriptions botaniques, de ses visions philosophiquessur la puissance organique du contact des pieds nus, des mains sur les feuilles, une relation sensorielle, pas seulement tactile, pour le « plus accessible des arts ».

Il va sans dire que ce n’est certainement pas tout, qu’au moment même où l’on se laisse bercer par la bonne retraite des jardins de Gracewood, une déviation du droit chemin dessiné par le calviniste Schrader commence à émerger, obsédé par la rédemption et la culpabilité comme matière première. de la vie; et la mort. Les plantes se régénèrent, c’est dans leur nature. Mais l’homme ?

Master Gardener est un chef-d’œuvre de maîtrise et d’équilibre, un film béni par les imperfections de l’âme humaine qui se transforme en une sublime tension entre le bien et le mal, l’addiction et la violence, la haine de la différence et le pardon des péchés indélébiles. « Je ne suis qu’un jardinier, ce qui était autrefois autre chose ».