Examen du point d’ébullition

Un long plan ininterrompu pour raconter la soirée pleine d’adrénaline d’un chef et du personnel d’un élégant restaurant londonien. Passion, tension et une grande interprétation du protagoniste. Revue par Federico Gironi.

Voici la suite de la belle série télévisée L’ours, que beaucoup auront vu et, espérons-le, apprécié, étant donné qu’il s’agit d’une série qui a enfin des idées, du style et du contenu, et ne se limite pas simplement à être contenu (de telle ou telle plateforme). Mais Point d’ébullition il le précède, pour ce qui compte, même si en Italie il arrive au cinéma avec le retard habituel typique de notre pays. Il arrive finalement, cependant, grâce à ARTHOUSEEt si vous avez vu et aimé The Bear, vous ne devriez pas le manquercar les points communs sont nombreux.
En fait, il ne faut pas le rater de toute façon, car c’est du cinéma intelligent, avec des idées, et bien fait. Ici aussi – un autre point de contact – nous parlons de quelque chose de très différent d’un simple « contenu ».

Il y a unité de temps, de lieu et d’action dans Boiling Point. Pour plaire aux aristotéliciens, bien sûr, mais aussi à tous les autres, simples spectateurs. Car Boiling Point est une tragédie, au sens noble du terme, avec tous les atours.
Le lieu est un restaurant chic de Londres. La météo est celle d’un soir, le soir d’un vendredi d’avant Noël, donc plutôt exigeant. L’action est celle qui se concentre sur le personnage du chef du restaurant, Andy, joué par un magnifique Stéphane Graham, suivant une parabole avec une conclusion peut-être inévitable. Mais c’est aussi une action qui, soudée et compacte par la décision de tourner le film en un seul long plan, ininterrompu et jamais inutilement virtuose, parvient aussi à raconter un ensemble de personnages : le personnel de cuisine d’Andy, les clients du restaurant . Certains détestables, d’autres moins, tous fonctionnels à la structure de l’histoire, ses rebondissements, son évolution.

Comme Carmen dans L’Ours, Andy est lui aussi aux prises avec mille problèmes, qu’il doit pourtant résoudre au cours de cette seule soirée, dans l’heure et demie de son histoire, du plan séquence, du film.
Problèmes de travail, bien sûr, mais aussi personnels. Ce qui finira par impliquer un peu tout le monde, et submergera notre chef.
Ce qui est frappant, en tout premier lieu, c’est à quel point Philippe Barantini, réalisateur et scénariste du film, un passé de cuisinier tout en essayant de percer dans le monde du cinéma, a su mettre en scène les mécanismes complexes et délicats d’une cuisine de restaurant, décrivant rôles, tâches, erreurs et problèmes, sans jamais moment semblent didactiques. Contrôles sanitaires, raréfaction des matières premières, inexpérience des nouveaux, laxisme des autres, coordinations réussies ou ratées se conjuguent avec les demandes absurdes ou au contraire absurdes des clients, qui ne réalisent pas – ou alors s’en moquent – à quel point l’équilibre entre les planches à découper et les poêles est précaire.

Il y a aussi de la place pour un peu de personnel, pour les interactions entre serveurs, pour la solidarité en cuisine. Mais, comme il se doit, Andy est le cœur de tout, le centre de la discussion, le pivot autour duquel tout tourne. Un pivot lâche, on comprend tout de suite, du fait des retards d’Andy, sa gestion peu soignée des approvisionnements, des appels téléphoniques avec une famille avec qui il y a des frictions. Nous le comprenons lorsqu’il nous est révélé que l’inconfort d’Andy en présence de son ancien professeur et partenaire dans la salle n’est pas seulement dû à l’anxiété de performance.
Ce que nous dit Boiling Point est clair. Où va cette histoire, à la fin, le droit compte. Ce qui compte, c’est que pendant ces quatre-vingt-dix minutes qui resteront à jamais la longueur d’or d’un film, comme Woody nous l’a appris, on entre vraiment dans cette cuisine et dans ce restaurant, on connaît vraiment ces personnages.
Et, miracle (du cinéma), on s’intéresse aussi à leur sort.