la critique du noir troublant et convaincant de Fulvio Risuleo avec Edoardo Pesce

Deux planètes qui se croisent, se heurtent et s’attirent, bien qu’elles soient de masse et de qualité très différentes. Tout en un Nuit fantôme, le long de pistes porteuses d’une charge de charme, mais aussi d’embûches, comme celles d’un sous-genre issu de noblesses et de précédents. Fait surtout écho au Martin Scorsese de En dehors des heures tu détestes Au-delà de la vieplus de Chauffeurs de taxi. Des références que le trentenaire Fulvio Risuleo se décline en une histoire noire métropolitaine qui a le mérite de ne pas être aseptique mais habilement insérée dans un contexte spécifique comme celui de Rome. Comme les deux protagonistes, le policier mystérieux et instable, incarné avec l’énergie fébrile habituelle par Edouard Poisson Et Tarek (la recrue et parfaitement fonctionnelle Yothin Clavenzani).

C’est un samedi soir et le garçon prend le bus pour rejoindre des amis pour une sortie ordinaire. D’abord, ils lui demandent d’aller dans un parc et de fumer un peu. C’est ici qu’il croise le policier, enfermé dans sa voiture, qui deviendra bientôt le lieu d’enfermement pour tous les deux, la salle d’interrogatoire et l’espace d’angoisse et d’abus de pouvoir, alternant entre menaces et rapprochements, dans un nuit silencieuse et lividevu d’une fenêtre ou reflété dans le rétroviseur d’une partie de la ville qui ne s’endort pas.

C’est une Rome indifférente, avec cette distance arrogante accoutumée à tous les extrêmes qui la distinguent. Pourtant, il ne perd pas de vue ces deux monades en phase d’exploration mutuelle, dilate le temps et suspend le jugement, s’offre généreusementuniverselle mais petite, avec ses nids de poule et son asphalte délabré qui, au détour d’un virage, offre un surprenant coin de campagne romaine. Les lieux et les rituels de ce « tout en une nuit » sont déstabilisants, tout en gardant une crédibilité de l’écriture et du jeu.

Ghost Night est un film anxiogène, qui enferme le spectateur et ses deux protagonistes dans un rythme syncopé fait de silences complices et d’explosions d’énergie., un statique réflexif capable d’ouvrir un abîme existentiel, la culpabilité et la solitude représentant le non-dit commun dans lequel se retrouvent les deux personnages. Le tout sans oublier la leçon du genre, une tension rampante, un beat reposant prêt à lâcher prise jusqu’aux pics d’adrénaline.

Risuleo construit un prisme de surfaces réfléchissantes et transparentes, qui trompent l’œil pour respirer jusqu’à un horizon lointain, pour ensuite soudainement suffoquer, ramenant Tarek et le policier à une coexistence forcée, à des évasions et des poursuites.