Quant aux nouveaux auteurs du cinéma italien, celui de Pierre Marcellus est toujours l’un des premiers noms qui sont mentionnés. Auteur au sens plein du terme, et de films qui puisent profondément dans les images, la mémoire photographique, la culture et la politique de notre pays, et dans la conscience du spectateur, Marcellus, né à Caserte en 1976, a fait ses premiers pas cinématographiques en interprétant le documentaire de manière très personnelle. D’abord avec Le franchissement de la ligneprésentée à Venise et récompensée par le David di Donatello, puis par La gueule du loupqui a de nouveau remporté le David, mais aussi le Ruban d’Argent, le Festival du Film de Turin et aussi le Prix Caligari à la Berlinale.
Sans jamais abandonner le documentaire, Marcellus il commence alors à fréquenter le cinéma de fiction, mais toujours à sa manière : d’abord avec l’alchimie Belle et perduepuis col Martin Éden présenté en compétition à Venise.
Tout son parcours cinématographique, esthétique et artistique, toute sa volonté de raconter des histoires très concrètes mais éthérées et magiques, et de les raconter à travers une attention matérielle et picturale à l’image, se retrouve dans ce nouveau Les voiles écarlatesqui après avoir été le film d’ouverture du Quinzaine des Réalisateurs pour Cannes 2022et également projeté au Festival du film de Romefait ses débuts en salles le 12 janvier, distribué par 01 Distribution.
Scarlet Sails : bande-annonce et intrigue du film
Quelque part dans le nord de la France, Juliette, une jeune orpheline de mère, vit avec son père, Raphaël, un militaire rescapé de la Première Guerre mondiale. Passionnée de musique et de chant, Juliette a un esprit solitaire. Un jour, au bord d’une rivière, elle rencontre une sorcière qui lui prédit que des voiles écarlates viendront l’emmener loin de son village. Juliette ne cessera jamais de croire à la prophétie. Librement inspiré des Voiles écarlates d’Aleksandr Grin, écrivain russe pacifiste du XXe siècle, le film de Pietro Marcello est un conte populaire, musical et historique, à la limite du réalisme magique.
Un film, Les voiles écarlatesque Pierre Marcellus fabriqué pour la première fois hors de notre pays, en France, sous l’impulsion et l’impulsion du producteur Charles Gilbert et son collaborateur Romain Blondeauqui proposa au réalisateur de travailler sur l’adaptation du roman du même nom de Alexandre Grin (en Italie aux éditions Editori Riuniti), écrivain aventurier né à la fin du XIXe siècle qui rejoint le socialisme révolutionnaire, et commence à écrire ses premières nouvelles après la révolution de 1905.
Quoi Marcellus qu’il a vu dans le livre de Grin, et sur lequel il a voulu centrer son film, est la relation entre un père et sa fille: l’histoire d’un homme qui se consacre entièrement à un enfant laissé sans mère, et plus encore celle d’une jeune femme qui devient de plus en plus libre et indépendante, jusqu’à la rencontre d’un fabuleux aviateur qui, pour le réalisateur, représente « l’homme moderne ». « .
Toujours centré sur les personnages masculins, pour la première fois Marcello, avec Les voiles écarlates, raconte de près un féminin, et met d’ailleurs l’accent sur une dimension communautaire et matriarcale au sein de laquelle, toujours suivie de l’amour discret mais constant du père, grandit la jeune Juliette. A tel point que le réalisateur lui-même n’a pas hésité à définir celui-ci comme son nouveau « un film féminin ».
« Maintenant que je l’observe en spectateur, je suis le premier à être surpris par cette évolution personnelle qui est la mienne », a-t-il déclaré. « Mais c’est pour ça qu’on fait des films, pour évoluer, changer, essayer de nouvelles voies. Les voiles écarlates, qui semble nous emmener dans le passé, peut en fait être regardé avec un œil moderne, comme un film sur un nouveau modèle de matriarcat. C’est un film qui prend le point de vue des femmes. Dans Martin Éden les références sont le syndicaliste suédois Stig Dagerman, l’anarchiste napolitain Enrico Malatesta. Scarlet Sails se termine avec la communarde Louise Michel. On reste sur le terrain de l’anarchie, mais entre l’un et l’autre il y a un glissement progressif de mon point de vue du masculin vers le féminin ».
Veiné de réalisme magique, ainsi que du réalisme alchimique et très personnel que l’on a appris à connaître dans le cinéma de Caserte, Les voiles écarlates est un conte de fées empreint d’un sens instinctif et intellectuel du cinéma à la fois, qui s’appuie fortement sur le choix fondamental de deux protagonistes incroyables (Raphaël Thierry et Juliette Jouandécouvert par le réalisateur grâce à son intuition), et à une surface formelle impeccable et fascinante, dans laquelle le grain du film se marie avec les lumières et les paysages de la peinture du XIXe siècle, photographiés par Marcello lui-même – qui, comme toujours, tourne à la première personne – ensemble au directeur de la photographie, Marco Graziaplena (celui de Mektoub mon amour de Kechice, pour être clair), avec qui il a trouvé une entente extraordinaire et pas facile, faisant le film « comme un documentaire avec cette fraîcheur et cet élan qui ont fait que l’œuvre a vu le jour », intégrant continuellement ce qui s’est passé sur le plateau.
Et il y a, bien sûr, des intégrations très discrètes avec ce matériel d’archives qui, pour Marcello, fait partie intégrante de son idée du cinéma.
Une idée qui, avec ce Les voiles écarlatessemble se déployer dans le vent de la nouveauté et de l’expérimentation, et qui laisse présager de nouveaux débarquements toujours plus dépaysants et magiques.