Une belle matinée raconte les journées d’une jeune mère célibataire à Paris entre un nouvel amour et un père mourant adoré. Le retour en beauté de Mia Hansen-Løve avec l’une des meilleures performances de la carrière de Lea Seydoux. L’avis de Mauro Donzelli.
Il fit quelques détours de son Paris, certains convainquant d’autres décidément moins, mais Mia Hansen-Love il est à son meilleur lorsqu’il nous plonge dans le vie quotidienne d’un habitant errant de la ville des bords de Seine, qui a souvent quelque chose à voir avec son autobiographie, nous emmenant dans ses parcs – désormais il les a tous collectionnés – dans ses rues qui se ressemblent et semblent toujours vides, où les trottoirs sont étroits et tu marches au milieu de la route.
Tout comme il arrive à Sandramère célibataire aux cheveux courts, un travail d’interprète de réunions politiques et financières de haut niveau, consacrée pendant des années à s’occuper de sa fille de 8 ans et à faire face au décès de son partenaire, ainsi qu’à prendre soin de son père Georg (un poignant Pascal Grégory), atteint d’une maladie neurodégénérative, le syndrome de Benson. L’amour et le sexe ne font pas partie de ce quotidien dans lequel nous sommes plongés avec l’habituel maîtrise de Hansen-Løve parmi les plus grands narrateurs du plan ordinaire, parfois légèrement inclinés et capables de créer des bouleversements inattendus.
Sandra est interprétée par une (magnifique et de plus en plus mature et blonde) Léa Seydoux loin du rôle d’objet de désirsi quelque chose de timide et presque surpris d’aimer son vieil ami perdu depuis des années, Clément (un grand Melvil-Poupaud), avec qui il entame une relation. Pendant que leur amour s’enflamme, l’esprit du père s’éteint, un professeur de philosophie entouré de livres qu’il ne sait plus lire et qui le représentent désormais plus que ce vieil homme aveugle qui se perd. Il semble qu’elle soit restée parmi ces pages, l’âme déjà loin du corps, avec une personnalité qui s’exprime à travers ses lectures, que Sandra et sa famille se retrouvent à trier, à donner ou à jeter.
Une belle matinée raconte le présent d’une femme qui voyage dans le passé de sa famille à travers les objets de la maison de son père, le cherche pour s’installer dans une digne maison de retraite et l’avenir semble n’être que celui à construire pour sa fille, alors qu’elle elle vit au jour le jour en se contentant d’un amour dont elle pensait qu’il ne lui arriverait plus jamais. Il se déplace dans la ville avec un doux visage marqué par une moue suspendue entre douleur et espoir, accrochée à son sac à dos toujours avec elle, comme une adolescente sujette aux larmes et aux défis.
Des thèmes aussi communs que complexes – la vie, les différentes formes de deuil et le besoin d’amour – rendus avec une simplicité miraculeuse par le réalisateur français, l’un des grands auteurs les plus sous-estimés du cinéma européen. Délicat et émouvant, sans perdre l’équilibre, il s’insinue dans le caractère cyclique de notre passage terrestre, dans l’alternance de la fin et du début, dans un passage implacable du temps qui exige la rupture de ces instants magiques, la dissolution de ces étreintes passionnées qui semblent pouvoir durer éternellement.