Utama – La revue des terres oubliées

Utama – The Forgotten Lands est une première œuvre primée et choisie par la Bolivie pour la représenter aux Oscars. Une histoire d’amour et de cultures qui disparaissent à cause du changement climatique. Le film sort en salles le 20 octobre, distribué par Officine UBU.

L’histoire racontée dans Utama – Les terres oubliées c’est un de ceux qu’on ne voit jamais sur un écran de cinéma. Dont on ne lit pas dans les journaux mais tout au plus il peut arriver de voir à la télé dans certains documentaires ethnographiques. Le peuple andin, qui tire son nom de l’ancienne langue quechua qui remonte à l’empire inca, vit, ou plutôt survit, sur les hauts plateaux du Pérou, de la Bolivie et de l’Équateur. Considérés dans le meilleur des cas pour leur façon de s’habiller et leur apparence aussi pittoresque que des reliques du passé, les natifs de ces régions ont souvent dû subir la répression de la culture officielle, la « moderne », qui prétend aussi effacer leur langue. . Mais ils sont toujours là, éleveurs de lamas, enracinés dans une terre aride jadis survolée par les condors géants, eux aussi en voie de disparition, attachés avec ténacité à leurs rites et traditions séculaires. Leurs enfants et petits-enfants ont souvent emprunté la route de la ville, là où les personnes âgées ne veulent pas aller. Car s’il est difficile d’éradiquer une personne âgée du lieu où elle a toujours vécu et dont elle connaît tous les recoins et tous les secrets, cela l’est encore plus dans ces cas là, où le « choix » est entre assimilation et annulation de sa propre langue, de sa culture ou mourir travailler et peiner, là où sont nés ses enfants, la modernité n’est jamais arrivée et le changement climatique se fait sentir avec plus de force qu’ailleurs.

A son premier travail de fiction après avoir travaillé dans le domaine de la photographie et du documentaire, le Bolivien Alejandro Loayza Grisi nous emmène dans la maison d’un couple de personnes âgées, Virginio et Sisa, très proches, dont la vie est rendue encore plus difficile par une sécheresse prolongée. Il refuse obstinément la réalité : la pluie reviendra, c’est toujours arrivé, il suffit de monter la montagne avec les autres villageois et d’offrir un lama en sacrifice, d’accomplir un rituel qui se fait depuis la nuit des temps pour récupérer l’eau qui permet de boire les animaux et les humains. Pressentant sa propre mort, Virginio refuse obstinément l’intervention de son neveu Clever, qui vient de la ville dans l’espoir de sauver ses chers grands-parents d’un destin inéluctable. Le vieil homme, qui a depuis longtemps rompu les relations avec son fils, ne veut rien savoir : il sait qu’il est malade et que la fuite du condor (animal qui en fin de vie commet une sorte de suicide, se jetant de la montagne les ailes fermées) annonce la fin. Mais il veut mourir là où il a toujours ramassé les pierres pour sa femme, avec celle avec qui il a passé sa vie et qui tente à sa manière de le convaincre.

Remplis de lumière éblouissante et de silences naturels, oubliés de notre monde, les paysages de Utama (notre maison en langue quechua) sont le décor d’une tendre histoire d’amour et dénoncent en même temps avec la force des images l’état dans lequel nous avons réduit la planète, le sort qui touche nombre de ses habitants et qui finira par affecter nous aussi, même si elles nous paraissent des histoires extrêmes et lointaines, si nous ne réparons pas l’exploitation téméraire des ressources de la planète. C’est un film qui donne à réfléchir Utama. Elle nous fait penser à des cultures, des langues et des mondes qui disparaissent aussi par notre faute, pour un bien-être matériel et technologique pour le monde occidental devenu indispensable et auquel, tel un Moloch vorace, nous avons tout sacrifié. Aux choses simples et aux liens, aux peuples qui tentent de survivre, attachés avec ténacité à la terre sur laquelle ils sont nés et ont grandi, une terre de plus en plus aride et avare, sur laquelle le ciel refuse de verser ses larmes. Ce n’est pas un hasard si parmi les nombreuses récompenses que le film a remportées à travers le monde, à commencer par Grand Prix du Jury au Sundance Film Festival, nombreux étaient ceux du public. Car il est impossible de rester indifférent à la force de cette histoire à travers les images et les sentiments, interprétée avec une extrême maîtrise par un vrai couple Quechua, dont le véritable attachement rend le message du film encore plus émouvant et fort.