au Festival du Film de Rome le documentaire sur Lelio Luttazzi

Ceux qu’on appelle aujourd’hui les Baby Boomers se souviennent sûrement Lélio Luttazzicet élégant gentleman qui le samedi soir duo avec Mine et présenté avec ironie et grâce les émissions incontournables dont toute la famille, des grands-parents aux petits-enfants, réunie devant la télé en noir et blanc, ne manquait aucun épisode. En grandissant, ils l’ont trouvé à la radio, annonçant l’incontournable Hit-parade, qui était à l’antenne à 13 ans et que l’écrivain, à l’époque au collège, écoutait en cachette avec les compagnons à la radio dans les toilettes, sans surprise bondées à cette époque. Les plus jeunes l’ont peut-être vu dans les émissions de la Teche Rai, qui ravissent le public avec leurs anthologies rétro. Mais nous l’avons ensuite suivi au cinéma, un très bon acteur L’aventure de Michel-Ange Antonioni Et Le parapluie de Dino Risi, et bien sûr nous avons chanté plusieurs de ses belles chansons, peut-être sans savoir qu’il les avait écrites. Dans un monde du spectacle où il importait seulement de savoir faire son métier au plus haut niveau, Lélio Luttazzi il a très bien fait beaucoup de travail. C’était un compositeur et parolier, pianiste de jazz, roi du swing, connaisseur des musiques internationales, cultivé, savait écrire, et surtout c’était un homme respectable. Aujourd’hui nous avons l’occasion de le revoir dans le documentaire qu’il lui a dédié Giorgio Verdeliprésenté au Festival du film de Rome et intitulé, d’après l’un de ses plus grands succès (qui a aussi donné vie à un film), Souvenir d’Italie.

Ce fut un grand choc, pour ceux qui étaient là, en 1970, de voir cet homme intègre, sérieux, doué d’une fine ironie et très exigeant avec lui-même, impliqué sans culpabilité dans une affaire de drogue à cause de Walter Chiari (qui n’a rien fait pour le disculper), victime d’une terrible erreur judiciaire et d’une application aberrante de la loi. Quatorze ans plus tard, un sort encore pire a frappé Enzo Tortora, qui a passé sept mois en prison sans culpabilité et a dû se battre longuement pour faire reconnaître son innocence (parmi ceux qui sont immédiatement intervenus pour sa défense, il y avait Luttazzi lui-même). L’infamie de la prison marqua aussitôt injustement la personnalité de ces honnêtes gens : dans le cas de Luttazzi, c’était une blessure aggravée par le fait que c’était celui qu’il considérait comme son meilleur ami qui la lui procurait. Sur son histoire – qui inspirera également Détenu en attente de jugement de Nanni Loy – le maître écrira « Opération Montecristo » et son seul film en tant que réalisateur, L’inférence.

Ces dernières années, le plus souvent loin de la télévision, avec quelques apparitions sporadiques dans les programmes de Fiorello et de Fazios’autorise un « farniente » oblomovien, mais ne reste pas inactif : il revient à son grand amour, la musique, collabore avec divers artistes, revient avec bonheur dans sa Trieste natale, où il élit domicile sur la Piazza Unità d’Italia et est accueilli par l’affection du public lors de son dernier grand concert, toujours soutenu par l’amour de sa femme Rossana Luttazzi, qui a dédié une Fondation et un prix musical à la préservation de la mémoire du Maestro et que l’on entend également dans ce documentaire. Parler de Lélio Luttazzi dans Souvenir d’Italieen plus de lui-même, répété dans des sketches, des interviews et des chansons, sont les amis de tous les temps et les plus récents, de Pupi Avatiqui lui a dédié en 2008 Le jeune foudu titre d’une autre de ses célèbres chansons, un Fiorello Et Fabio Fazioavec des contributions de Steve Della Casa, Rossana Casalé et de nombreux autres musiciens et célébrités, tissés ensemble par Francesco Montanari, narrateur en smoking (à juste titre). Toute contribution dans ces cas est la bienvenue car ces grands artistes, discrets et persuasifs, qui ont enrichi la vie et la culture d’un pays aujourd’hui en proie aux pires présidentialismes et populismes, ne se souviennent jamais assez, là où celui qui crie le plus fort réussit et gagne .