Les fous valent mieux que les absents

Le réalisateur polonais Jan Komasa fait ses débuts dans une production en langue anglaise avec une histoire provocante et surréaliste mettant en vedette Stephen Graham, Andrea Riseborough et Anson Boon. La critique de Good Boy de Federico Gironi.

Quoi de mieux ? Être prisonniers, mais aimés et soignés, ou être libres mais non vus, non considérés, sans références ?
C'est la question que pose, avec des manières et des tons provocateurs, Jan Komasa dans Good Boy, son premier film en anglais, peut-être parce qu'il puise aussi dans la culture anglaise et britannique une certaine manière de faire de la comédie noire, d'utiliser l'humour de manière sèche et tranchante.
Ici, Komasa l'utilise pour aller au fond de la première question, mais pour y arriver, il emprunte un chemin qui touche à plusieurs autres problématiques. Par exemple : comment réformer une certaine jeunesse perdue et nihiliste ? Qu’est-ce qu’une famille réellement et qu’attend-elle d’elle-même et de ses membres ? Certains comportements exagérés et excessifs sont-ils le signe d’une folie ou d’une autre façon de voir les choses ?

Demandes. Même le spectateur se demande, au début du film, pourquoi le Tommy d'Anson Boon, qui dans un prologue nous montrait sauvage et rebelle au-delà de toutes limites, se retrouve avec une chaîne autour du cou dans le sous-sol d'une grande maison de campagne. Est-il peut-être le fils de Chris (Stephen Graham) et Kathryn (Andrea Riseborough), ses invités pour le moins bizarres, et donc le frère du candide Jonathan ? Ou peut-être est-il responsable de la mort d'un autre enfant du couple ? Ou ni l'un ni l'autre ?
Ce qui est sûr, c'est que Tommy est victime d'une sorte de traitement de Ludovico, avec Chris, puis aussi Kathrin, qui en plus de le maintenir attaché et de lui imposer des cours de musique classique et d'histoire, lui montre ses vieilles histoires Instagram pleines de vandalisme et d'actes d'intimidation. Ce qui est sûr, c'est que l'intention de Chris, même si à un moment donné il n'hésite pas à recourir à la violence, n'est pas répressive, mais clairement rééducative, quoique de manière plus que discutable.

Avec un style grotesque et surréaliste, mais aussi avec un regard clair et précis, qui par certains côtés peut rappeler de loin celui de Dogtooth de Lanthimos, Komasa révèle progressivement la vérité sur ses personnages et ses intentions. Qui racontent comment la douleur causée par les trous noirs laissés par une société désormais désintégrée et en désarroi peut pousser vers des directions absurdes et des décisions critiques. Car il s'avère que Chris, Kathryn et Tommy – apparemment fous, le premier certainement dérangé, le second un vandale irrémédiable – partent de là : de la douleur et du vide.
Le fait est donc que les méthodes des premiers ont un effet sur les seconds : tel un singe illettré, Tommy commence à apprécier le cinéma (en particulier Kes de Loach), la musique et la littérature, se plaçant également de manière critique face aux textes. Et donc la question des questions (on y revient toujours) en est clairement une : que faire de la vie quand Tommy parvient à se libérer des chaînes ?

Le concept est là, l'idée est théâtrale mais cinématographiquement exprimée comme il se doit par Komasa, et les acteurs, l'habituel Graham en tête mais aussi Boone, et le très sous-estimé Riseborough, sauraient rendre le feuillet tachipirina fascinant. Ce n'est peut-être pas parfait, Good Boy, mais c'est le cinéma qui a des idées, et qui fait apprécier le courage de poser des questions qui concernent tout le monde sans forcément suggérer les réponses.