Mme Harris se rend à Paris Review

Lesley Manville, déjà nominée aux Oscars pour Hidden Thread, est la protagoniste de ce conte d’époque, sur fond de mode Christian Dior à la fin des années 1950. Notre avis.

Femme de chambre au cœur trop doré dans le Londres plus pauvre que fin des années 1950Ada Harris (Lesley Manville) tarde à confirmer qu’elle est restée veuve de guerre. Une époque se termine pour elle, mais son bon cœur et sa capacité à épargner lui permettent d’accomplir l’une des siennes rêver: voler vers Paris pour acheter un vêtement Christian Dior. Ici sa basse extraction se heurte aux règles de la maison, incarnées par la réalisatrice Claudine (Isabelle Huppert), mais les rencontres avec un mannequin en crise Pamela, avec le comptable André et avec un marquis romantique (Lambert Wilson) vous permettra de retrouver votre échelle de valeurs correcte.

Ce n’est pas la première fois que le roman « Mme Harris« (1958) de Paul Gallico est traduit en audiovisuel : c’est déjà arrivé avec un film pour la télé Voler pour un rêve (1992), mettant en vedette Angela Lansbury. Ce Mme Harris va à Parisréalisé par Anthony Fabian, est renforcé par une mise en scène très précise à hauteur de salle et littéralement par Oscar (production design par Luciana Arrighicostumes de Jenny Beavan), pour retrouver l’esprit d’un conte classique, de développement aussi optimiste que prévisible: les racines d’un « se sentir bien film« par manuel elles sont incarnées par une protagoniste qui met tout le monde d’accord. Assez douce pour ne pas transformer sa décision en arrogance, assez déterminée pour ne pas faire de sa douceur une passivité. Plus qu’une femme, Ada est laéquilibre du teint, qui n’unit pas par hasard des mondes aux antipodes, ouvrant les yeux de presque tous ceux qu’il rencontre, et est également capable de révéler involontairement les vrais personnages des gens, sous la façade. Des citations philosophiques dans les dialogues rendent cette interprétation explicite.

Habituellement, à ce stade, on dirait que le professionnalisme de la construction, à commencer par les actrices et acteurs de premier plan (Manville, Huppert, Wilson), compense à la fois la prévisibilité et certains chute de rythme, surtout dans une double fin apparente, cependant justifiée plus tard. En réalité, cependant, il y a une interprétation supplémentaire qui enrichit le film, car Ada est la symbole d’un changement d’époque dans la culture de masse: la demande de bien-êtred’un temps libre à consacrer à la beauté, de la part du prolétariat, que l’on voit dans le film se mettre en grève pour revendiquer ses droits. L’apparition d’Ada initie le besoin de reproductibilité d’une robe de créateur, juste avant une « œuvre d’art » exclusive. C’est la concession de la beauté au plus large public possible : c’est le thème souriant qui tient le coup Mme Harris va à Paris. Qu’il s’agisse d’un voyage à Paris, d’une robe Dior ou d’une invitation d’un marquis, il ne fait aucun doute dans le film que la fenêtre sur cette beauté peut être un ‘illusion. Le fait est que nous avons tous droit à cette illusion.