Nicolas Cage entre Achab et Kurzt chassant le bison dans le Far West

Dans La traversée du boucher Nicolas Cage il joue le rôle d’un chasseur de bisons qui, dans l’ouest de 1870, est obsédé, comme Achab, non par une baleine blanche mais par une marée noire. Beaucoup de bisons une fois déterré dans une vallée isolée du Colorado. Des buffles qu’il veut chasser, trouver des compagnons d’aventure, pour obtenir la plus grande quantité de peaux jamais ramassée par qui que ce soit.
Cagedans Traversée du boucher, il atteint sa destination et là, il devient la victime de son obsession. Pelé (c’est-à-dire, pour une fois, sans toupet) comme le Kurtz de Brandoil passe nerveusement la main sur sa tête, qu’il rase à sec.
Compte tenu de ces références, il serait facile de l’imaginer dans l’une de ses fameuses et chères interprétations hallucinatoires et lucifériennes : mais non. Il reste toujours calme, aussi calme que puisse être quelqu’un comme Cage. Entre les lignes, si vous voulez.

Voici. Il me semble que cette annotation reflète aussi le ton de ce film qui marque les débuts du documentariste acclamé Gabe Polskique par exemple de Pingouins rouges, dans le cinéma de fiction. Car celle de Polski est un western qui flirte constamment avec l’hallucination, la morbidité, les atmosphères oppressantes et l’abstraction, mais qui n’a jamais l’envie (ou peut-être le courage ?) d’embrasser cette nature jusqu’à ses conséquences extrêmes. En le voyant, même si ça n’a pas grand chose à voir, j’ai pensé à lui comme un réalisateur comme Nicolas Winding Refnla Refn de Montée du Valhallail aurait surtout travaillé sur certains thèmes et certaines sensibilités.

Il y a un Achab, et il y a aussi un Ismaël. Ou si vous préférez, s’il y a un Kurtz, il y a aussi un Willard.
Il est le personnage de Fred Hechinger, un jeune homme qui a quitté Harvard et une vie tranquille pour connaître les frontières de son pays, l’ouest, et qui connaîtra aussi celles de l’humanité. Le sien et les autres.
Avec ces deux protagonistes, une personne âgée apparaît également Cageet un écorcheur professionnel de moralité douteuse.
Mais les relations personnelles, ou les conflits de personnalité, dans Traversée du boucher, ils ne sont pas au centre de l’histoire. Tout au plus sont-elles une ébauche utile qui comble les vides, les silences, les répétitions.
Au cœur, dans Butcher’s Crossing, se trouve l’obsession du personnage de Cage. Une obsession que nous connaissons déjà conduira à une forme de catastrophe.
Et, encore une fois, le désastre qui n’est pas tant personnel ou psychologique, mais métaphorique.
Parce que le problème avec Butcher’s Crossing, qui est basé sur un roman de John Williams « Stoner » du même nom, c’est que c’est un film à thèse. Une thèse qui se désintéresse assez bêtement des personnages mais qui concerne, en ces temps de politiquement correct et de réveil insistent, les désastres auxquels sont confrontés les marché (à quoi il est difficile de résister, comme le chantait le Baustelle) d’une part, et laanimalisme de l’autre.

Au terme d’une expédition de chasse qui a duré bien plus longtemps que prévu, et aux implications meurtrières et/ou dramatiques, les protagonistes vont en effet découvrir que le prix des peaux de bison s’est effondré. Et que le massacre dévastateur d’animaux qu’ils ont commis était inutile.
Dans Traversée du boucherfusillé dans les réserves du Pieds noirs là où l’on tente de repeupler les troupeaux de bisons d’Amérique, les derniers signes ne manquent pas qui témoignent des conséquences désastreuses qu’a réellement eues la chasse au bison, aujourd’hui le « mammifère national » des États-Unis.
Pour cela, cependant, il y a aussi le National géographique.