Revue Dante

Un film passionné et vital, où le sublime de la poésie se mêle au charnel de la vie médiévale, et dans lequel Avati déverse, entrelacées de manière surprenante, les deux âmes de son cinéma. Le résultat est celui du portrait dantesque auquel vous ne vous attendiez pas : heureusement.

Il arrive souvent que plus un film est couru par son auteur, et donc plus un réalisateur couve depuis des années l’envie de réaliser un certain projet, luttant contre le temps qui passe et les productions qui ne sont pas convaincues, plus le résultat final est en quelque sorte écrasé par la longue rumination du processus de construction, et par les attentes. A la fois celles du réalisateur et celles du public.
Dantece Pupi Avati il a essayé de porter au cinéma pendant vingt ans, et maintenant il a enfin réussi, au contraire ce n’est pas un film victime de lui-même, en quelque sorte. Peut-être aussi parce que les attentes, du moins celles du spectateur, les déplacent complètement.
Cela ne veut pas dire que Dante est un film dépourvu de défauts, et d’une petite ou grande naïveté, mais cela signifie que la passion et l’énergie qu’Avati met dans le film et les personnages qu’il raconte sont si clairs, et si chaleureux, qu’ils insufflent à l’ensemble de la vie et, surtout, de la personnalité. Qui, comme nous le savons tous, est cette chose qui éclipse souvent les lacunes et les défauts.

Il y a un Giovanni Boccace qui agit comme Virgile dans le monde de Dante pour nous qui le regardons à l’écran. UN Boccace que contre Dante il a une dévotion presque mystique et religieuse, et dont l’émotion est engageante. Son voyage chez la fille du poète, à Ravenne, pour lui remettre un sac de pièces que la ville de Florence lui offre en compensation misérable et tardive de l’exil injuste imposé à son père, est, pas à pas, l’occasion de flashbacks. qui nous disent un Alighieri bien éloigné du profil classique imposé par l’école, l’académie, l’abstraction populaire.
Celui de Avati est un jeune Dante, agité, incertain et passionnéqui à un romantisme certes un peu languissant mais nullement veule ou éros, un romantisme rappelant presque certains personnages avatiens du passé, comme ceux incarnés par un Nick Vingtième Siècle qu’on n’a pas de mal à imaginer dans cette partie, aux côtés d’une guerre presque inédite et d’ambitions politiques, certes peu connues.
UN Dante homme, avant même d’être un sublime poète, dont Avati tente de restituer cette splendide dualité avec un style qui englobe les deux aspects. L’enfer et le paradis, pourrait-on dire.

Dante est un film dans lequel Béatrice elle est loin d’être une simple femme angélique, mais une figure magnétique et troublante, sensuelle et provocante ; où les fonctions corporelles sont souvent mises en scène sans artifice, et pas seulement par cohérence historique ; dans lequel le goût gothique d’Avati serpente diaboliquement, s’incarnant tantôt dans une poupée inquiétante, tantôt dans les donjons où sont entreposés les morts sans nom de la peste. Dante c’est un film où les deux âmes de réalisateur d’Avati, celle romantique-nostalgique et celle gothique et même horrifiante, marchent main dans la main, s’entremêlant de manière cohérente et parfois surprenante. Peut-être troublant, mais certainement engageant.
Et en plus de trahir la passion et le désir de déverser « tout son cinéma » sur Dante, celui de Avati c’est un film qui dénonce, sans pédantisme ni ostentation arrogante, le dévouement, l’effort, la pratique d’une recherche cultivée, patiente et passionnée. Une recherche qui ne concerne pas seulement la biographie de Dante, ou son œuvre littéraire, mais la peinture, l’architecture, les coutumes et la politique de cette époque.
Ce qui se traduit aussi par le soin avec lequel les splendides décors, ou les acteurs du film, ont été choisis, qui en plus de Castellittoet aux jeunes Alessandro Sperduti Et Carlotta Gamba (on en entendra parler longtemps), comporte des noms aussi insolites et raffinés que ceux de Erica Blac, Leopoldo Mastelloni, Mariano Rigillo et cela Gianni Cavina à la mémoire de qui le film est dédié.