Couture est le nouveau film écrit et réalisé par Alice Winocour et mettant en vedette Angelina Jolie. Présenté lors de la 20e édition du Festival du Film de Rome, le film nous rappelle combien il y a de beauté dans l'imprévisibilité de la vie et combien la vie de chacun de nous est étroitement liée à celle de ceux qui nous entourent. Voici notre avis.
Après Reembracing Paris (2022), Alice Winocour revient dans la capitale française pour aborder l'un des événements les plus attendus de l'année, la Fashion Week de Paris, pour suivre trois femmes très différentes et comment leurs vies finissent par se toucher. C'est l'histoire de Couture, présentée à la 20e édition du Festival du Film de Rome. Maxine Walker (Angelina Jolie) est une réalisatrice indépendante à un tournant de sa vie. Il est à Paris pour tourner un court métrage qui ouvrira le défilé d'une importante maison de couture parisienne et entretient une relation compliquée avec sa fille adolescente. Là-bas, elle reçoit un diagnostic qui changera sa vie pour toujours. Ada (une Anyier Anei lumineuse et magnétique), jeune mannequin sud-soudanaise découverte à Nairobi par un agent et destinée à devenir une nouvelle star, vient également d'arriver à Paris. A son arrivée dans la capitale, Ada est complètement perdue, mais reçoit l'aide de la maquilleuse Angèle (Ella Rumpf), une écrivaine en herbe qui alimente ses histoires avec les expériences qu'elle vit chaque jour sur le plateau. Le casting est complété par Louis Garrel dans le rôle d'Anton, le directeur de la photographie de Maxine, et Vincent Landon (avec qui Winocour a déjà travaillé) dans le rôle du chirurgien qui s'occupera du cas du réalisateur.
Dans le monde glacé de la mode parisienne Maxine, Ada et Angèle sont trois outsiders, trois corps étrangers de par leurs parcours et aspirations respectives. Et Couture veut parler des corps, notamment féminins : celui de Maxime, qui reçoit un diagnostic qui bouleverse complètement sa vie et l'amène à se confronter à ses fragilités, celui d'Ada qui est continuellement observée, mesurée, habillée, mais jamais vraiment. voir par son entourage. Et il y a les corps des mannequins qu'Angèle maquille et camoufle imperfections et bleus avant de les envoyer sur les podiums. Le corps est également le protagoniste de deux séquences très puissantes, dont l'une montre le chirurgien de Maxine traçant un chemin sur son sein pour établir où opérer et qui rappelle, également grâce à la ligne rouge du marqueur utilisé, les coutures (coutures en français, le pluriel est le titre original du film) que les couturières appliquent au mannequin sur lequel prend forme la robe d'Ada pour le défilé, dans une autre scène.
Avec Couture, Winocour dépouille le monde de la mode de son glamour, des couvertures de magazines sur papier glacé, des soirées somptueuses, pour montrer les coulisses des défilés. Il recrée un petit monde intime, fait de vêtements qui prennent vie sous les mains habiles de couturières et d'artisans que nous ne verrions jamais autrement : perle après perle, fil après fil, de la même manière que les vêtements et les films prennent vie, dans un produit élégant et soigné. D'où le choix de ne pas donner de nom à la maison de couture avec laquelle Maxine et les autres protagonistes travaillent (même si les plus attentifs auront reconnu la maison Chanel). Sont également absents le drame et les excès qui tournent autour d'un tel événement : pas de Miranda Priestly terrorisant ses assistants, pas de mannequins aux prises avec des addictions ou des crises de colère. Ada ne rencontre aucune opposition de la part des autres collègues, mais reçoit plutôt de leur part conseils et solidarité. Il y a des rythmes stressants et la peur de l'échec, mais il y a surtout un échantillon humain auquel la réalisatrice redonne de l'humanité et de la profondeur et qui se demande si la direction qu'elle a prise dans la vie est la bonne : « Ce n'est pas parce qu'ils sont vrais qu'ils sont intéressants » dit un éditeur à Angèle, rejetant son livre et anéantissant ses rêves. Et Winocour veut montrer précisément ceci : que le flux quotidien de la vie, avec son imprévisibilité, peut également susciter l'intérêt et que les vies de chacun de nous sont étroitement liées les unes aux autres. Comme les coutures d'une robe.
C'est l'imprévisibilité qui a poussé Ada, simple étudiante en pharmacie à Nairobi, à se catapulter dans le monde de la mode (un peu comme Aniyer Anei, qui a fait ses débuts au cinéma avec ce film et a été découverte par le réalisateur). Et imprévisible est le sort de Maxine, qui toute sa vie a attendu d'être dans de bonnes conditions économiques et professionnelles pour pouvoir tourner librement son film et se retrouve confrontée au diagnostic d'un cancer agressif contre lequel il faut lutter. Angelina Jolie était le choix le plus approprié pour raconter cette histoire, compte tenu également de son histoire personnelle, mais aussi parce qu'elle dresse le portrait d'une femme qui accepte de montrer sa fragilité et sa solitude. La réalisatrice a cependant confié à Angèle la tâche d'être la narratrice des pensées des personnages, mais aussi la tâche délicate de « panser » les blessures des autres à travers son œuvre. Son interprète, Ella Rumpf, lui donne de la matière en véhiculant une passion, une colère et une vitalité splendide à admirer à l'écran.
Net de quelques répétitions qui affaiblissent le film dans la partie finale, Couture utilise des séquences particulièrement réussies, une bande-son d'Anna von Hausswolff et Filip Leyman et l'intensité des regards de ses protagonistes pour faire passer son message sous-jacent. La beauté de la vie réside dans son imprévisibilité et, parfois, ce qui finit par détruire représente au contraire un point de rupture, une brèche par laquelle entre la lumière et à partir de laquelle commence la catharsis. Comme une tempête soudaine au milieu d’un défilé.